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Conférences Thématiques
28 juin 2012
Digestif
Dr Pascal ARTRU

Utilisation du 5 FU oral dans le traitement adjuvant du cancer colique – Annexe

La chimiothérapie adjuvante du cancer du côlon opéré de stade II repose sur l’administration d’une chimiothérapie par 5FU oxaliplatine. L’association capécitabine – oxaliplatine (XELOX) permet un traitement ambulatoire sans pose de PAC. Les avantages de cette technique sont exposés ici face au traitement standard intraveineux par FOLFOX.

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Traitement adjuvant du cancer du côlon : vers une banalisation du XELOX ?
Adjuvant treatment of colon cancer: Xelox considered as commonplace therapy?

Pascal Artru
Hôpital Privé Jean Mermoz, 55, Rue Jean-Mermoz F-69008 Lyon dr.artru@wanadoo.fr

 

Résumé

La chimiothérapie adjuvante du cancer du côlon opéré de stade III repose sur l’administration d’une chimiothérapie par 5FU oxaliplatine. L’association capécitabine-oxaliplatine (XELOX) permet un traitement ambulatoire sans pose de PAC. Les avantages de cette technique sont exposés ici face au traitement standard intraveineux par FOLFOX.

Mot-clés Chimiothérapie adjuvante ; Capécitabine ; Oxaliplatine, Cancer du côlon

 

Abstract

Six-month therapy with 5FU and oxaliplatin remains the standard for care of stage III colon cancer in adjuvant setting. We report the advantages of XELOX regimen, using oral 5FU (capecitabine) and oxaliplatin to avoid port-a-cath insertion.

Keywords Adjuvant therapy; Capecitabine; Oxaliplatin; Colon cancer

 

Introduction

Depuis la publication initiale de Moertel en 1990, le traitement adjuvant des cancers du côlon (CC) a bien évolué. Dès 2003 et la communication à l’ASCO d’Aimery de Gramont des résultats de l’essai MOSAIC, publiés l’année suivante dans le New England [1], le standard thérapeutique est devenu le FOLFOX 4 administré pendant six mois. Toutes les tentatives récentes pour améliorer ce standard ont échoué mais parallèlement un schéma différent d’association du 5FU et de l’oxaliplatine a été validé en utilisant la capécitabine : le schéma XELOX [2]. Avec cet état des lieux rapide des différents protocoles en évaluation dans le traitement adjuvant du CC, nous essaierons de voir comment le XELOX peut devenir une véritable alternative au FOLFOX et à qui le proposer en particulier.

 

L’échec des thérapeutiques ciblées

La grande déception de ces dernières années en cancérologie digestive a été indiscutablement l’impossibilité de retrouver en situation adjuvante les gains obtenus par les thérapeutiques ciblées en situation métastatique dans le traitement du CC.

Cet échec a concerné tout d’abord les antiangiogéniques avec deux grandes phases III négatives : l’essai américain C08 du NSABP et l’essai international MOSAIC dirigé par Aimery de Gramont [3,4]. Au total, ce sont respectivement 2 672 et 3 451 patients randomisés entre un schéma 5FU/oxaliplatine plus ou moins bevacizumab qui ont été suivis sans aucun bénéfice de survie, sans progression à trois ans, avec même probablement un pronostic moins bon en cas de rechutes chez les patients ayant reçu l’antiangiogénique. Du côté des anti-EGFR, il y a peu de chances que l’essai européen PETACC 8 coordonné par Julien Taïeb renverse la tendance, même si la population incluse a été majorée après découverte du rôle prédictif de la mutation KRAS. En effet, nous disposons déjà des résultats négatifs de l’essai américain NO147 avec 1 760 patients opérés d’un CC de stade III sans mutation KRAS et randomisés entre FOLFOX plus ou moins cetuximab [5]. Là encore, aucun bénéfice n’était constaté en termes de survie sans rechute à 3 ans avec une plus grande toxicité et même un effet délétère chez les plus de 70 ans.

 

Les prodrogues orales du 5U

Commercialisés en France depuis plus de 10 ans, la capécitabine et l’UFT ont d’abord bénéficié d’une AMM en situation métastatique. Ils ont cependant été rapidement évalués tous deux en situation adjuvante avec à la clé une AMM pour la capécitabine en monothérapie. Pour cette dernière molécule, c’est l’étude X-ACT qui a permis son enregistrement. Dans cette vaste phase III internationale, 1 987 patients avec CC stade III réséqué ont été randomisés entre capécitabine (1 250 mg/m² matin et soir pendant 14 jours consécutifs avec 7 jours de repos, 8 cycles au total) ou 5FU/AF type Mayo Clinic (5FUbolus/AF IV J1-5 tous les 28 jours, 6 cycles). L’objectif principal d’une non-infériorité de la capécitabine était largement atteint avec de plus une toxicité nettement moindre de la drogue orale (à l’exception du syndrome mains-pieds) [6]. En ce qui concerne l’UFT, une phase III au design similaire a été publiée avec également des objectifs atteints en termes de survies sans progression et globale mais avec des gains moins significatifs et une équitoxicité [7]. De ce fait, cette drogue n’a pas eu de développement dans cette indi- cation à l’échelon du monde occidental contrairement à l’Asie où elle fait figure de référence (avec une phase III asiatique positive).

Compte-tenu de la publication des données de MOSAIC, et de leur confirmation outre-Atlantique par les données de l’essai C07 du NSABP [8], le développement logique de la capécitabine en adjuvant imposait de tester une combinaison avec oxaliplatine. Ce fut l’objet de l’essai XELOXA, qui du fait d’un design relati- vement ancien, prit comme bras témoin toujours des schémas américains relativement obsolètes comme le Mayo Clinic (bras contrôle de X-ACT) ou le Roswell Park (5FU/AF IV bolus hebdo- madaire 6 semaines sur 8 avec 4 cycles au total). Le schéma expérimental XELOX, comprenait lui des doses diminuées de capécitabine (1 000 mg/m² deux fois par jour per os de J1 à J14 avec repos de 7 jours, J1=J21 et 8 cycles au total) associée à chaque cycle à une perfusion d’oxaliplatine à 130 mg/m² IV à J1 de chacun des 8 cycles. Les patients randomisés avaient tous été opérés de CC de stade III avant randomisation 1 : 1. Les résultats ont fait l’objet de deux publications : une première pour la toxicité, une seconde concernant l’efficacité [2,9].

L’analyse de toxicité a repris les données de 1 864 des 1 886 patients inclus et randomisés. Comme attendu, les patients du bras XELOX ont expérimenté plus de syndrome main-pieds (5 % de grade 3-4) et de neurotoxicité (11 % de grade 3-4). Ils avaient également plus de thrombopénie mais moins de neutro- pénie fébrile (<1 % vs 4-5 % dans le bras contrôle). En termes de toxicité digestive, on constatait moins de mucite sous XELOX mais plus de nausées-vomissements, le taux de diarrhée sévère étant relativement identique (et non nul 19 % de grade 3-4 dans le bras XELOX). Les épisodes de diarrhée sévère sont survenus dans les deux bras à une médiane d’une trentaine de jours de traitement, alors que la médiane de survenue des neutropénies était plutôt de trois mois. On notait également plus de diarrhée chez les patients de plus de 65 ans dans le bras XELOX. Enfin, le taux de décès toxique était similaire dans les deux bras (0,6 %).

En termes d’efficacité, le schéma XELOX a clairement dominé son concurrent : sur l’objectif principal la survie sans progression, le taux à 3 ans était de 70,9 % pour le FOLFOX versus 66,5 % pour le 5FU/AF. Ces taux sont à 5 ans de 66,1 % versus 59,8 %. Avec un suivi médian de 55 mois, la réduction du risque de rechute avec le XELOX est de 20 % (HR 0.80 IC95 0.63-0.95 p = 0.0045). La survie globale à 7 ans (critère secondaire) a fait tout récemment l’objet d’une présentation orale à l’ASCO GI 2012 [10] ; elle est également significativement supérieure dans le groupe XELOX avec un HR de 0,83 IC 95 % = 0,70-0,99 ; p = 0,037). Il n’existait pas de bénéfice en survie globale à 5 ans.

Il n’existe pas à ce jour de comparaison frontale en adjuvant des protocoles XELOX et FOLFOX. En situation métastatique, la non- infériorité du XELOX vis-à-vis du FOLFOX a été démontrée.

 

Quels avantages pour nos patients ?

Le problème de la chambre implantable

Le XELOX requiert en théorie 8 injections d’oxaliplatine. Il est fréquent en fait de ne pas faire la dernière injection si on constate une neuropathie à l’oxaliplatine grade 2, ce qui est courant dès C6 (et dans le cas du FOLFOX dès C8-9). Cette drogue ne présente pas un risque sévère de toxicité cutanée en cas d’extra- vasation et ne nécessite donc pas absolument la présence d’un accès veineux central. Sous réserve d’un capital veineux périphé- rique correct, le patient devant recevoir ce traitement en situation adjuvante peut donc échapper à la pose du PAC. Outre le geste technique en lui-même, le patient échappe surtout aux complications de la chambre implantable dont les plus fréquentes sont les infections et les thromboses veineuses (risque global de 1 à 7 % selon les séries). Enfin, en termes d’image corporelle et d’image de la maladie, l’absence de PAC représente un grand avantage.

Dans beaucoup de centres il est d’usage de faire examiner au décours de la consultation d’annonce les bras des patients présélectionnés pour ce traitement afin de ne pas méconnaître un réseau veineux insuffisant.

La dimension psychologique du traitement oral

Dans l’esprit de beaucoup de patients, le traitement oral est associé à un traitement « plus léger » et donc dédramatise la mauvaise nouvelle de la nécessité d’un traitement de chimio- thérapie complémentaire à la chirurgie. De même, la perfusion associée, outre son espacement temporel important (3 semaines avec seulement 8 cures, contre 2 semaines et 12 cures pour le FOLFOX 4), semble moins lourde compte tenu de l’absence de PAC.

La préférence des patients pour le traitement oral versus la perfusion avait été bien étudiée lors du lancement des prodrogues orales du 5FU. Liu et al. avaient montré que 89 % des patients traités pour un cancer souhaitaient recevoir une chimiothérapie par voie orale afin de pouvoir bénéficier d’un traitement à domicile et éviter les complications liées à l’abord veineux [11]. Cependant, 70 % des patients de cette étude n’étaient pas prêts à accepter une moindre efficacité du traitement. Dans une autre étude de préférence, des patients traités pour un cancer colique avaient reçu à la fois un traitement par voie orale et un traitement parentéral (avec crossover). Quel que soit l’ordre de la séquence thérapeutique (oral puis parentéral ou parentéral puis oral), 84 % des patients ont préféré le schéma oral [12].

 

Quelles précautions prendre ?

Outre la vérification du capital veineux périphérique du patient (mais on peut aussi décider de poser un PAC pour plus de sécu- rité), le XELOX pose comme unique souci la surveillance de la prise de la capécitabine et de la bonne compliance du patient. La délivrance d’un carnet patient est recommandée et il faut inciter les patients à le remplir avec soin et l’apporter en consultation. Lors de la consultation, le carnet doit être vérifié.

Une bonne surveillance de l’état cutané des patients à la recherche d’un hypothétique syndrome mains-pieds doit être réalisée, d’autant que cette toxicité couplée à une neuropathie sous-estimée peut être handicapante. Il est recommandé de distribuer aux patients soit des kits dermatologiques (savon surgras et crème hydratante) soit au minium des conseils d’hydratation des paumes et des plantes.

En pratique, chaque patient doit être vu en consultation toutes les trois semaines lors de l’injection d’oxaliplatine.

 

Faut-il sélectionner les patients ?

Le XELOX est une chimiothérapie de choix pour des patients jeunes et actifs. Outre le bénéfice psychologique et l’avantage de moins de visites à l’hôpital, la compliance est généralement bonne.

Il faut éviter les patients âgés avec troubles des fonctions supérieures ou polymédicamentés. Le rajout de six à huit comprimés à une quantité déjà appréciable de traitements est à proscrire ! On peut également opter pour la prudence chez des patients avec gastrectomie ou pathologie digestive pouvant nuire à l’absorption intestinale.

 

Conclusion

Le cancérologue digestif français a très vite pris le pli du FOLFOX adjuvant et la pose de PAC suit souvent rapidement l’annonce de l’examen pathologique de la pièce de colectomie. Le XELOX représente une alternative robuste et validée et il faut savoir la proposer à nos patients surtout jeunes et actifs afin de leur éviter de trop nombreux passages en hôpital de jour et si possible la pose d’un PAC. Une autre amélioration notable pourrait être le raccourcissement de la durée de la chimiothérapie adjuvante. C’est le but de l’essai IDEA actuellement en cours en France et dans le monde avec déjà 1000 patients inclus en France !