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18 octobre 2012
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RECTUM – Ne pas opérer les répondeurs morphologiques complets après radio-chimiothérapie pour cancer du rectum, est-ce bien raisonnable ?

Critical appraisal of the ‘wait and see’ approach in rectal cancer for clinical complete responders after chemoradiation.
Glynne-Jones R, Hughes R.
Br J Surg. 2012 Jul;99(7):897-909. doi: 10.1002/bjs.8732. Epub 2012 Apr 27.

 

Après radiochimiothérapie (RCT) et proctectomie, 10 à 20% des patients atteints d’un adénocarcinome du rectum présentent une réponse histologique complète (pCR). Plusieurs auteurs ont rapporté des évolutions favorables à long-terme chez des patients en réponse clinique complète (cCR) après RCT sans chirurgie.

 

L’étude rétrospective la plus récente et la plus importante [1] rapporte un taux de récidive loco-régionale de 4,6% dans un délai médian de 39 mois, avec des taux de survies globale et sans récidive à 5 ans de 96% et 72%, respectivement, confirmant les résultats d’une étude prospective de plus faible effectif [2]. En revanche, d’autres études rétrospectives rapportent des taux de récidives plus élevés, en moyenne de 33,8% avec un délai médian de 17,5 mois.

 

L’objectif de cette revue de la littérature était d’évaluer la place du traitement conservateur après RCT pour les cancers du rectum. A partir d’une analyse de la littérature, 30 publications ayant inclu 650 malades ont été analysées.

 

L’objectif primaire était le taux de cCR, les objectifs secondaires le taux de récidive loco-régionale, la survie sans récidive et la survie globale.

  • Les délais d’évaluation de la réponse après la fin de la RCT allaient de 6 semaines à 14 mois. Le taux de cCR allait de 10,9% à 38,7% pour des doses de radiothérapie de 45 à 50 Gy, voire 54 Gy dans certaines expériences récentes, associées à de la chimiothérapie à base de 5-Fluorouracile.
  • Il existait une hétérogénéité entre les études concernant le staging, les critères d’inclusion, le type d’étude, les méthodes de suivi, pouvant expliquer ces résultats discordants.
  • La définition de la cCR était mal précisée et hétérogène, avec une concordance seulement partielle avec le diagnostic de pCR.
  • Ces résultats suggèrent que les patients non opérés, mais qui finalement présentent une récidive, ont une moins bonne survie comparativement à ceux opérés d’emblée.

 

Les auteurs concluent que l’approche conservatrice après RCT pour cancer du rectum est esssentiellement basée sur des données rétrospectives. Les résultats obtenus chez les patients porteurs de petites tumeurs doivent être extrapolés avec prudence aux tumeurs plus évoluées où l’envahissement ganglionnaire est plus fréquent. Des études prospectives avec une méthodologie et des critères de jugement homogènes sont nécéssaires pour évaluer la balance bénéfice-risque.

 

Commentaires

 

Alors que l’exérèse complète du mésorectum [3] et la RCT néoadjuvante [4] ont permis de réduire significativement le risque de récidive loco-régionale des cancers du rectum, une approche conservatrice sans chirurgie est de plus en plus proposée chez des patients très sélectionnés en cCR après RCT, avec comme objectif de diminuer la morbidité postopératoire et donc d’améliorer la qualité de vie. Ce raisonnement, certes très intéressant, part du principe que (i) la cCR est directement corrélée à la pCR et que (ii) les patients en pCR ne tirent aucun bénéfice de la chirurgie, ces deux principes n’étant pas démontrés.

 

Malgré tout , les auteurs concluent que même si la qualité de l’évaluation scientifique est mauvaise, il y a  sans doute une place pour la conservation rectale chez les patients porteurs de tumeur en réponse compète après RCT. Le pronostic semblant plus sévère en cas de récidive, le bénéfice-risque de cette conservation doit être discuté de façon multidisciplinaire et avec le patient.

 

En plus des limites des travaux décrites dans le résumé, le délai d’évaluation de la réponse était très hétérogène alors même qu’il semble directement lié au taux de cCR.

 

L’essai français GRECCAR 6 va prochainement débuter, cherchant à évaluer l’impact de l’allongement du délai entre la fin de la RCT et l’évaluation de la réponse (7 vs 11 semaines) sur le taux de pCR sous la responsabilité du Dr JH Lefèvre (St Antoine, Paris). D’autres études prospectives européennes en cours (NCT 01047969, NCT 00952926) cherchent à évaluer le taux de cCR sans chirurgie à 2 ans ou encore le taux de récidive locale. A côté de l’absence de chirurgie, un autre concept de préservation du rectum mais avec résection de la cicatrice tumorale à visée diagnostique et de staging est en cours d’évaluation en France avec l’essai de phase III GRECCAR 2.

 

Références

 

1. Habr-Gama A, Perez RO, São Julião GP, Proscurshim I, Gama-Rodrigues J. Nonoperative approaches to rectal cancer: a critical evaluation. Semin Radiat Oncol 2011 ;21 :234-249.

2. Maas M, Beets-Tan RG, Lambregts DM, et al. Wait-and-see policy for clinical complete responders after chemoradiation for rectal cancer. J Clin Oncol 2011;29:4633-4640.

3. van Gijn W, Marijnen CA, Nagtegaal ID, et al. Preoperative radiotherapy combined with total mesorectal excision for resectable rectal cancer: 12-year follow-up of the multicentre, randomised controlled TME trial. Lancet Oncol 2011;12:575-582.

4. Bosset JF, Collette L, Calais G et al. Chemotherapy with preoperative radiotherapy in rectal cancer. N Engl J Med 2006;355:1114-11123.