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29 mars 2011
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Polypose colorectale hyperplasique et risque de cancer colorectal chez les sujets porteurs et les apparentés au premier degré

La polypose hyperplasique est associée à une augmentation du risque de cancer colorectal. Les cancers peuvent se développer au sein de polypes festonnés (polypes hyperplasiques et adénomes festonnés) de petite taille, ce qui justifie de mettre en place un suivi endoscopique avec polypectomies. Il existe également une majoration du risque de cancer colorectal chez les apparentés au premier degré des individus atteints.

La polypose hyperplasique est caractérisée par l’existence de polypes hyperplasiques multiples et/ou de grande taille et de localisation colique proximale. Les critères diagnostiques établis de façon arbitraire par l’OMS sont les suivants :

  • patient porteur d’au moins 5 polypes hyperplasiques localisés en amont du côlon sigmoïde avec une taille d’au moins 10 mm pour au moins 2 d’entre eux ou ;
  • patient porteur d’au moins 30 polypes hyperplasiques ou ;
  • patient porteur de polypes hyperplasiques localisés en amont du côlon sigmoïde et apparenté au 1er degré d’un individu atteint de polypose hyperplasique [1].

Les polypes hyperplasiques survenant dans ce contexte sont fréquemment associés à d’autres types de polypes festonnés (adénomes festonnés sessiles ; adénomes festonnés « classiques » ; et/ou polypes composites). On parle parfois de « polypose festonnée » [2]. Le déterminisme génétique de la polypose hyperplasique n’est pas connu et certaines agrégations familiales ont été rapportées évocatrices, soit d’une transmission autosomique dominante, soit d’une transmission autosomique récessive.

Les travaux hollandais publiés dans la revue Gut avaient pour objectifs :

  • de décrire le phénotype et d’évaluer le risque de cancer colorectal associé à la polypose hyperplasique pour le premier [3] ;
  • d’évaluer le risque de cancer colorectal chez les apparentés au 1er degré d’individus atteints pour le second [4].

Les critères de définition de la polypose hyperplasique retenus dans ce travail étaient les suivants :

  • sujet porteur d’au moins 5 polypes hyperplasiques/adénomes festonnés sessiles localisés en amont du côlon sigmoïde avec une taille supérieure ou égale à 10mmpour au moins 2 d’entre eux ou ;
  • sujet porteur d’au moins 20 polypes hyperplasiques/adénomes festonnés sessiles.

Phénotype de la polypose hyperplasique et risque de cancer colorectal chez les individus atteints [3]

Au total, 77 patients issus de 7 centres répondant à cette définition ont été identifiés. Il s’agissait de 42 hommes et de 35 femmes. L’âge médian au diagnostic était de 56 ans (extrêmes : 40-74 ans). Les indications de la coloscopie étaient les suivantes : antécédent personnel de polypes (n = 23) ; antécédents familiaux de polypes et/ou de cancers colorectaux (n = 16) ; présence d’un saignement occulte dans les selles et/ou anémie ferriprive (n = 15) ; troubles du transit (n =8) ; douleurs abdominales (n = 5) ; polypes identifiés à l’occasion d’une rectosigmoïdoscopie de dépistage (n = 4) ; antécédent personnel de cancer colorectal (n = 3).

Le nombre médian de polypes hyperplasiques était de 15 et au moins 1 polype hyperplasique de taille ≥ 10 mm était identifié chez 47 patients, soit 61 % des individus de cette cohorte. Des adénomes festonnés et des adénomes « classiques » étaient identifiés chez 52 % et 69% des patients respectivement. Les polypes étaient localisés principalement en amont du côlon sigmoïde.

Vingt-sept (27) cancers colorectaux étaient identifiés chez 26 patients (soit 35% de l’effectif). Parmi ceux-ci, 22 cancers étaient diagnostiqués lors de la coloscopie diagnostique (2 cancers synchrones chez un individu) et 5 lors du suivi endoscopique ultérieur (considérés comme incidents). L’âge médian au diagnostic du cancer était de 56 ans (extrêmes : 36-75 ans). Sur la base de ces données rétrospectives, les auteurs évaluent à 7 % l’incidence cumulée de cancer colorectal à 5 ans. Cette évaluation est cependant tout à fait critiquable dans la mesure où plusieurs données plaident en faveur de la méconnaissance d’au moins 2 des 5 cancers considérés comme incidents : intervalle médian de 11 mois seulement par rapport à la précédente coloscopie ; caractère incomplet de la coloscopie précédente et/ou absence d’exérèse de l’ensemble des polypes identifiés lors de cet examen.

Le nombre de polypes hyperplasiques et le nombre d’adénomes festonnés correspondaient à deux facteurs de risque indépendants de cancer colorectal en analyse multivariée : Odds ratio (par polype) de 1,05 (IC 95 % : 1,01-1,10 ; p = 0,013) et 1,09 (IC 95 % : 1,00-1,19 ; p = 0,048) respectivement.

De façon intéressante, 4 des 5 cancers « incidents » étaient diagnostiqués chez des individus asymptomatiques à l’occasion d’une coloscopie programmée. Il s’agissait de foyers d’adénocarcinomes identifiés au sein d’un polype hyperplasique (3 cas) ou d’un adénome festonné (1 cas). La taille médiane de ces polypes était de 10 mm (extrêmes : 4-16 mm).

Cette donnée suggère que les petits polypes festonnés survenant dans le contexte d’une polypose hyperplasique pourraient avoir un potentiel de dégénérescence supérieur à celui des polypes adénomateux classiques et indique qu’il est nécessaire de procéder à une évaluation endoscopique de qualité chez ces malades avec exérèse de l’ensemble des polypes identifiés.

Risque de cancer colorectal chez les apparentés au premier degré d’individus avec polypose hyperplasique [4]

Les mêmes auteurs ont tenté d’évaluer le risque de cancer colorectal chez les apparentés au premier degré d’individus atteints de polypose hyperplasique [4]. Cette analyse également rétrospective a porté sur 347 apparentés au premier degré (membres de la fratrie : n = 165, soit 48% de l’effectif ; parents : n = 100, soit 29% de l’effectif ; enfants : n = 82, soit 24% de l’effectif) de 57 individus avec polypose hyperplasique issus de 4 centres. Le risque de cancer colorectal était évalué sur la période du 01 janvier 1997 au01 janvier 2009, soit une durée totale de suivi de 11 053 personnes/année. L’âge médian à l’issue de la « période de suivi » était de 60 ans (extrêmes : 44-71). Les diagnostics étaient le plus souvent déclaratifs (données recueillies à l’occasion d’un entretien téléphonique ou d’une consultation). En cas de diagnostic de cancer colorectal chez le cas index atteint de polypose hyperplasique, les données relatives à ses apparentés étaient censurées à la date du diagnostic de cancer afin de s’affranchir d’un biais lié à la mise en place supposée de coloscopies de dépistage. Le risque relatif de cancer colorectal était calculé en comparant le nombre de cancers déclarés par rapport au nombre de cancers« attendus », déduit des données issues de la population générale (Registre des Cancers d’Eindhoven), en prenant en compte le sexe, l’âge et la cohorte de naissance.

Tableau 1. Risque de cancer colorectal chez les apparentés au premier degré d’individus atteints de polypose hyperplasique. (Évaluation à partir de l’analyse rétrospective d’un groupe de 347 apparentés et des données de population issues du registre des cancers de Eindhoven)
Personnes/ année Nombre de CCR observés Nombre de CCR attendus Risque Relatif (IC 95 %)
Hommes
Femmes
4736
6317
15
12
2,3
2,6
6,5 (3,9-10,8)
4,6 (2,6-8,0)
Effectif global 11053 27 5,0 5,4(3,7-7,8)


Au total, 27 cas de cancers colorectaux ont été déclarés dans la population étudiée (8% de l’effectif) et sur la période d’« observation », soit un risque relatif par rapport à la population générale évalué à 5,4 (IC 95 % :3,7-7,8) (Tableau 1). L’âge médian au diagnostic était de 62 ans (extrêmes : 57-78). Il n’existait pas de différence significative pour le risque de cancer colorectal en fonction du sexe, ni en fonction du lien de parenté (fratrie versus parents ou enfants) (Tableau 2).

Tableau 2. Comparaison du risque relatif de cancer colorectal chez les apparentés en fonction du sexe et du lien de parenté
Risque Relatif (IC 95 %) p (test Child 2)
En fonction du sexe
Hommes versus femmes
1,9 (0,9-4,1) 0,089
En fonction du lien de parenté
Fratrie (frère ou sexe) versus
autres (parents ou enfants)
1,0 (0,4-2,5) 0,96


Une coloscopie était réalisée chez 65 des 347 individus de cette étude (19 % de l’effectif). Les indications des coloscopies n’étaient pas connues. De multiples polypes hyperplasiques (≥ 5) étaient identifiés chez 7 individus, et les critères diagnostiques de la polypose hyperplasiques étaient validés dans 4 cas (issus de 4 familles distinctes).À partir de ces données et en considérant que la prévalence de la polypose hyperplasique en population générale est de 1/3000, les auteurs indiquent que le risque relatif de polypose hyperplasique, chez les apparentés au premier degré d’individus atteints, serait de 39 (IC 95 : 13-121). Si la méthodologie de cette étude ne permet pas une évaluation fiable de ce risque, cette observation confirme qu’il existe des formes familiales de polypose hyperplasique.

Au total, ces 2 études hollandaises rétrospectives participent à la description phénotypique de la polypose hyperplasique. Elles soulignent la fréquence de l’association aux polypes hyperplasiques d’autres polypes festonnés dans ce contexte ainsi que le risque de cancer colorectal.

Références

[1] Burt RW, Jass J. Hyperplastic polyposis. In: Hamilton SR, Aaltonen LA, eds. World Health Organization classification of tumours pathology and genetics. Berlin: Springer-Verlag, 2000:135-6.

[2] Rashid A, Houlihan PS, Booker S, et al. Phenotypic and molecular characteristics of hyperplastic polyposis. Gastroenterology 2000;119:323-32.

[3] Boparai KS, Mathus-Vliegen EMH, Koornstra JJ, et al. Increased colorectal cancer risk during follow-up in patients with hyperplastic polyposis syndrome: a multicentric cohort study. Gut 2010;59: 1094-100.

[4] Boparai KS, Reitsma JB, Lemmens V, et al. Increased colorectal cancer risk in first-degree relatives of patients with hyperplastic polyposis syndrome. Gut 2010;59: 1222-5.