Néoangiogenèse tumorale : les récepteurs de la FSH ouvrent des perspectives thérapeutiques
Les résultats d’une étude de biologie moléculaire conduite par une équipe française de l’INSERM à l’Hôpital Villejuif ont été publiés dans le New England Journal of Medicine en octobre 2010 [1]. Bien qu’il s’agisse d’un travail de recherche fondamentale, les résultats obtenus ont reçu un écho dans la grande Presse en France (Le Figaro) et en Suisse (Le Temps) en raison des perspectives ouvertes en cancérologie humaine.
Matériels et méthodes
L’équipe INSERM a purifié, à partir de cultures de cellules, des anticorps spécifiques contre le récepteur de l’hormone folliculostimulante (FSH). Ce récepteur est constitué par une protéine G transmembranaire qui se lie à l’hormone par son domaine externe, ce qui entraîne l’activation de voies de signalisation spécifiques intracellulaires.
- La spécificité des anticorps anti-FSH-Récepteurs a été vérifiée par des techniques d’immunoprécipitation de la FSH ou des techniques immunohistochimiques, au sein de préparations de cellules-cibles.
- La présence des anticorps dirigés contre la protéine G-récepteur de la FSH a été recherchée chez 1336 patients porteurs de 11 localisations tumorales, immédiatement après prélèvement chirurgical. Il s’agissait de tumeurs primitives de prostate, du sein, du côlon, du pancréas, de la vessie, du rein, du poumon, du foie, de l’estomac, du testicule ou de l’ovaire. Ces tumeurs étaient, dans 70%des cas, de stade I ou II.
- Les examens histopathologiques sur pièces opératoires ont été complétés par une étude expérimentale conduite sur des souris chez lesquelles on avait implanté une tumeur de la prostate par xénogreffe.
Résultats
Les anticorps contre la protéine G-récepteur étaient absents dans les tissus sains à distance de la tumeur, ainsi qu’au centre de celle-ci. En revanche, la réaction immunohistochimique était positive à la périphérie des tumeurs ainsi que dans le tissu sain immédiatement voisin.
In vivo, chez les souris porteuses d’une xénogreffe de cancer prostatique, après injection intravasculaire d’un anticorps anti-protéine G-récepteur, couplé à l’or colloïdal, une analyse topographique précise en microscopie électronique a montré que les anticorps injectés se fixaient sur la membrane endothéliale des vaisseaux péritumoraux.
Commentaire
L’endothélium vasculaire péritumoral apparaît donc comme une cible potentielle de l’hormone folliculostimulante (FSH). La FSH sécrétée par l’antéhypophyse peut se fixer sur le récepteur transmembranaire des cellules-cibles. Ce récepteur appartient à la classe des protéines G. Dans les conditions normales, la FSH intervient dans la reproduction [2,3] avec deux cibles :
- chez la femme, les cellules granuleuses de l’ovaire pour assurer la maturation folliculaire ;
- chez l’homme, les cellules de Sertoli du testicule pour la spermatogenèse. La protéine G-récepteur est identifiable seulement sur ces 2 sites cibles.
La présence de ce récepteur transmembranaire à la FSH sur les cellules endothéliales du réseau vasculaire sur le front de l’invasion à la périphérie de tumeurs humaines issues de sites variés est tout à fait remarquable. Il est logique de l’associer à la néoangiogenèse et à la capacité de prolifération tumorale, probablement par l’intermédiaire du VEGF (facteur vasculaire de croissance endothéliale).
L’étude expérimentale conduite par la suite chez la souris confirme que des anticorps injectés dans le réseau vasculaire général et dirigés contre la protéine G-récepteur peuvent avoir comme cible la périphérie de la zone tumorale. Deux applications potentielles en cancérologie humaine sont alors suggérables :
- Si une méthode d’imagerie est développée pour localiser le signal de la protéine, G récepteur de la FSH, chez l’homme il deviendra possible de localiser une tumeur même précoce et de petite taille et de définir son volume cible sur de très nombreux organes.
- Les cellules de l’endothélium vasculaire à la périphérie de la tumeur pourraient éventuellement servir de cible sélective à des anticorps porteurs d’un agent toxique pour ces cellules, ou inhibant la protéine G-récepteur permettant alors d’inhiber la néoangiogenèse et le développement de la tumeur.
Bien entendu, il ne s’agit là que d’une ouverture séduisante sur des perspectives ouvertes et nous sommes encore très éloignés du résultat clinique. Si un agent toxique est couplé à l’anticorps, encore faut-il éviter son impact sur les cibles normales testiculaires et ovariennes du récepteur G-transmembranaire.
Références
[1] Radu A, Pichon C, Camparo P, et al. Expression of follicle-stimulating hormone receptor in tumor blood vessels. New Engl J.Med 2010;363:1620-30.
[2] Plant TM, Marshall GR. The functional significance of FSH in spermatogenesis and the control of its secretion in male primates. Endocr Rev 2001;22:764-86.
[3] Macklon NS, Fauser BC. Follicle development during the normal menstrual cycle. Maturitas 1998;30:181-8.