Aller au contenu
Articles
2 mai 2011
-

Mutation G13D de KRAS : une résistance moins marquée aux anti-EGFR ?

La résistance aux anti-EGFR semble, dans cette étude, moins marquée dans les cas de CCRm avec mutation de KRAS en 13D par rapport aux CCRm avec une autre mutation de KRAS. Ces résultats à confirmer ne doivent pas faire modifier nos règles de prescription de ces drogues qui restent à exclure quelle que soit la mutation de KRAS retrouvée.

Les patients avec cancer colorectal métastatique (CCRm) avec mutation somatique du gène KRAS au niveau des codons 12 et 13 doivent actuellement être exclus de tout traitement par anticorps anti-EGFR. Ces mutations, démontrées comme étant un facteur de résistance à ces thérapies ciblées, sont, en termes de fréquence, essentiellement au nombre de 7 : les mutations G12D,G12V, G12C,G12A, G12S, G12R au niveau du codon 12 et la mutation G13D au niveau du codon 13.

Les auteurs de cette étude rétrospective multicentrique [1] ont cherché à évaluer si les mutations du codon 13 (essentiellement représentées par la mutation G13D) avaient la même valeur prédictive que celles du codon 12.

Patients et méthodes

Au total, 774 patients ayant un CCRm chimiorésistant ont été étudiés : 579 patients traités par cetuximab entre 2001 et 2008 dans le cadre d’un essai thérapeutique (essais CO.17, BOND, MABEL, EMR202600, EVEREST, BABEL ou SALVAGE) ou non et 195 patients n’ayant reçu que des soins de confort dans le cadre de l’essai randomisé CO.17 qui comparait du cetuximab en monothérapie à des soins de confort en situation de chimiorésistance.

Une analyse de l’association entre la présence d’une mutation de KRAS (mutation G13D versus les autres mutations de KRAS) et la survie globale (SG) (objectif principal), la survie sans progression (SSP) et la réponse au cetuximab a été réalisée.

Parallèlement, les auteurs ont étudié in vitro l’effet de différentes mutations de KRAS sur la réponse au cetuximab par l’intermédiaire de l’analyse de lignées cellulaires isogéniques de CCR (lignée SW48) respectivement non mutée, avec mutation G12V ou avec mutation G13D de KRAS et soumises à l’anticorps anti-EGFR.

 Résultats

  • Une mutation G13D était présente chez 45 des 310 patients mutés pour KRAS (sur le total de 774 patients), ce qui représente 7 % de l’ensemble des patients et 14,5 % des mutations de KRAS.
  • Parmi les patients traités par cetuximab (n = 579), ceux porteurs d’une tumeur avec mutation G13D (n = 32) avaient une meilleure survie que ceux ayant une tumeur avec un autre type de mutation de KRAS en analyse univariée (SSP : 4,0 vs 1,9 mois ; p = 0,004 et SG : 7,6 vs 5,7 mois ; p = 0,005), mais aussi en analyse multivariée après ajustement sur les autres paramètres pronostiques (SSP : HR = 0,51 ; IC 95 % : 0,32-0,81 ; p = 0,004) et (SG : HR = 0,50 ; IC 95 % : 0,31-0,81 ; p = 0,005). Par ailleurs, il n’existait aucune différence de survie entre les patients avec mutation G13D et les patients avec KRAS sauvage.
  • Les patients ayant une mutation G13D, traités par cetuximab, avaient une SG et une SSP significativement plus longues que ceux n’ayant reçu que des soins de confort en analyse univariée (tableau). Bien que ces résultats n’aient pas été retrouvés en analyse multivariée (SG : HR = 0,40 ; IC 95 % :0,13-1,28 ; p = 0,12 et SSP : HR = 0,53 ; IC 95 % :0,16-1,73 ; p = 0,29), il existait une interaction significative entre le type de mutation de KRAS (G13D vs autres mutations) et le bénéfice du cetuximab en termes de SG (HR=0,30 ;IC95%:0,14-0,67 ; p = 0,003) et de SSP (HR = 0,47 ; IC 95 % :0,22-1,00 ; p = 0,05) (tableau).
  • Les patients ayant une mutation G13D avaient un taux de réponse similaire à celui des patients avec autres types de mutations de KRAS (6,3 % vs 1,6 %) mais significativement inférieur à celui des patients avec KRAS sauvage (6,3 % vs 26,4 %, p = 0,02).
  • In vitro et sur modèle animal, alors que la lignée cellulaire colorectale avec mutation G12V était bien résistante au cetuximab, celle présentant la mutation G13D était, quant à elle, sensible à cet anticorps, au même titre que la lignée non mutée pour KRAS (taux de prolifération et croissance tumorale inhibés dans les mêmes proportions).

 

  Cetuximab Soins de confort HR (IC 95 %) Analyse multivariée Test d’interaction (p)
G13D vs KRAS sauvage G13D vs autres mutations de KRAS
Survie globale (médiane, mois)
KRAS sauvage Mutation G13D Autres mutations de KRAS 10,1 7,6 5,7 5,0 3,6 4,7 0,60 (0,44-0,81) 0,40 (0,13-1,28) 1,07 (0,74-1,60) 0,06 0,003
Survie sans progression (médiane)
KRAS sauvage Mutation G13D Autres mutations de KRAS 4,2 4,0 1,9 1,9 1,7 1,8 0,42 (0,32-0,56) 0,53 (0,16-1,73) 0,93 (0,71-1,39) 0,79 0,05

 

Commentaires

Cette étude suggère, pour la première fois, que les tumeurs avec mutation G13D pourraient être « sensibles » ou, pour le moins, « moins résistantes » aux anticorps anti-EGFR que tous les autres types de mutations de KRAS dans les CCRm. Ces résultats un peu surprenants ne doivent évidemment pas conduire à modifier nos pratiques et la recherche systématique des mutations à la fois au niveau du codon 12 et du codon 13 de KRAS avant toute administration d’un anti-EGFR, la présence d’une de ces mutations restant une contre-indication à l’utilisation d’un anticorps anti-EGFR selon l’AMM et les recommandations du thésaurus national de cancérologie digestive (www.tncd.org). En effet, ces résultats sont rétrospectifs, l’effectif de patients avec mutation G13D est faible et seul l’essai CO.17 comportait un bras contrôle sans traitement par cetuximab, ce qui limite la pertinence de l’analyse de la valeur prédictive de ce type de mutations de KRAS. Seuls des essais randomisés prospectifs pourront permettre de conclure sur un potentiel effet bénéfique du cetuximab chez ces patients mutés en G13D.

Référence

[1] De Roock W, Jonker DJ, Di Nicolantonio F, et al. Association of KRAS p.G13D mutation with outcome in patients with chemotherapyrefractory metastatic colorectal cancer treated with cetuximab. JAMA 2010;304:1812-20.