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26 mars 2012
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Le risque d’événement thromboembolique veineux est-il vraiment augmenté en cas de chimiothérapie avec bevacizumab ?

L’adjonction de bevacizumab à la chimiothérapie pour cancer avancé n’accroît pas significativement le risque d’événements thromboemboliques veineux comparativement à la chimiothérapie utilisée seule.
Lors de la survenue d’un tel événement, le traitement anticoagulant peut être mené normalement, en poursuivant le bevacizumab qui n’aggrave pas le risque hémorragique.

Le risque de survenue d’un événement thromboembolique veineux (ETEV) est majeur au cours de l’évolution des cancers, et source d’une importante morbimortalité. Les mécanismes physiopathologiques des ETEV au cours des cancers croisent souvent ceux de l’angiogenèse et de l’invasion tumorale avec, notamment, des altérations de l’expression des facteurs de coagulation, l’exposition à des protéines (métalloprotéinases entre autres) et des tissus prothrombotiques, phénomènes inflammatoires, altération des fonctions plaquettaires et endothéliales vasculaires…

Le risque d’ETEV peut également être en relation directe avec le type de cancer et son stade de développement, l’état général et les comorbidités, la mobilité et la diététique du patient. Les différentes chimiothérapies utilisées peuvent également plus ou moins influer sur ce risque.

À cet égard, le risque d’ETEV conféré par les inhibiteurs du VEGF, tel le bevacizumab, reste controversé avec divergences de différents travaux sur ce thème.
Rappelons cependant que le sur-risque thromboembolique artériel apporté par cet anticorps anti-VEGF, chiffré de 1 à 3 %, est connu et documenté de manière convergente.

Ce travail d’envergure rapporté par Herbert Hurwitz et al. dans le Journal of Clinical Oncology en mai 2011 [1] permet de trancher le débat du sur-risque potentiel d’EVET sous bevacizumab.

Patients et méthodes :

Les données individuelles de 6 055 patients inclus dans 10 études randomisées avec bevacizumab furent analysées. Le risque d’ETEV non ajusté et ajusté selon l’exposition au produit fut calculé pour la population globale ainsi que par localisation tumorale. Les facteurs de risque d’ETEV furent recherchés grâce à une analyse multivariée, et la tolérance aux traitements anticoagulants fut examinée.

Résultats :

Il ne fut pas constaté d’augmentation significative du risque d’ETEV, quel que soit son grade, sous bevacizumab, comparativement aux témoins non traités par cette drogue et ceci en analyses non ajustée et ajustée selon l’exposition au produit. Cette constatation fut retrouvée dans la population globale ou en analyse de sous-groupes en fonction de la localisation tumorale.

  • L’incidence non ajustée d’ETEV dans la population globale fut de 10,9 et 9,8 % respectivement sous bevacizumab et placebo (Odds Ratio : 1,14 ; IC 95 % : 0,96-1,35 ; p = 0,13).
  • L’incidence d’ETEV pour 100 patients/année fut de 18,5 et 20,3 % respectivement sous bevacizumab et contrôle (Rate Ratio : 0,91 ; IC 95 % ; 0,77-1,06 ; p = 0,23).
  • L’incidence des ETEV graves (stades 3 à 5) fut identique avec ou sans bevacizumab.
  • En analyse multivariée, plusieurs facteurs de risque d’ETEV furent identifiés : le type de tumeur (risque élevé dans les cancers pulmonaires non à petites cellules, les cancers pancréatiques et colorectaux), un âge de plus de 65 ans, un indice de performance défavorable (1-2 versus 0), des antécédents de maladie veineuse thromboembolique, la présence d’un traitement anticoagulant oral à la baseline, et des antécédents chirurgicaux.
  • Il ne fut pas noté d’interaction entre ces facteurs et l’utilisation du bevacizumab.
  • Après survenue d’ETEV, lors de l’utilisation d’un traitement anticoagulant à dose pleine, le risque hémorragique est demeuré faible et non modifié par le bevacizumab.

Commentaires :

Cette large étude rétrospective portant sur l’analyse individuelle de 6 055 patients dans 10 études randomisées avec bevacizumab versus contrôle, sans biais manifeste, a permis d’identifier les différents facteurs de risque d’ETEV en cours de chimiothérapie au rang desquels le bevacizumab ne se situe pas, quel que soit le grade des ETEV considérés. Ceci est d’autant plus remarquable que les patients sous bevacizumab ont bénéficié d’une meilleure survie dans toutes les études analysées et ont donc été exposés à un risque d’ETEV sur une plus longue période que les témoins. Le risque d’ETEV est principalement inhérent à des facteurs liés à la tumeur et au patient.

Référence
[1] Hurwitz H, et al. J Clin Oncol 2011;29:1755-63.