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11 juillet 2012
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Le gène ATM : un nouveau coupable parfois en cause dans certaines formes familiales d’adénocarcinomes du pancréas

 

Le déterminisme génétique des formes familiales d’adénocarcinomes pancréatiques est largement méconnu. Une approche pangénomique a permis d’incriminer les mutations constitutionnelles hétérozygotes du gène de l’Ataxie Télangiectasique (gène ATM) dans la genèse de certaines d’entre elles. De nouvelles études sont nécessaires pour préciser à la fois la prévalence des mutations de ce gène dans ce contexte et la pénétrance du cancer du pancréas chez les sujets porteurs d’une telle altération génétique. Ces données sont essentielles pour définir les indications d’étude de ce gène et pour établir des recommandations de dépistage chez les sujets porteurs.

 

ATM mutations in patients with heredirtary pancreatic cancer.
Roberts NJ, Jioa Y, Yu J, et al. Cancer Discovery 2012

Gène de l’ataxie télangiectasique et formes familiales de cancer du pancréas

 

Le déterminisme génétique des formes familiales d’adénocarcinomes pancréatiques reste largement méconnu. Seule une petite proportion d’entre elles s’intègre dans un syndrome de prédisposition héréditaire connu qu’il convient d’évoquer systématiquement:

  • syndrome de Lynch (mutation d’un gène MMR);
  • polypose adénomateuse associée à APC ;
  • syndrome de Peutz-Jeghers (mutation du gène STK11) ;
  • formes héréditaires des cancers du sein et de l’ovaire associées aux mutations du gène BRCA2 ;
  • formes héréditaires de mélanomes cutanés (mutation du gène CDKN2A)

On parle alors de formes syndromiques. Les formes compliquant une pancréatite chronique héréditaire (mutation constitutionnelle du gène PRSS1 essentiellement) constituent une entité à part dont la reconnaissance est généralement aisée.

 

Les mutations des gènes Palladin et surtout PALB2 ont été plus récemment impliquées dans la genèse de certaines agrégations familiales non syndromiques mais la « rentabilité » de l‘étude moléculaire reste faible dans cette situation comme l’a récemment souligné l’analyse des données issues du registre allemand (1). L’identification de la mutation causale constitue pourtant un enjeu majeur puisqu’elle permet d’envisager la réalisation d’un test moléculaire ciblé chez les apparentés à risque afin de déterminer s’ils ont hérité de la mutation familiale, s’ils sont à risque particulier et s’ils doivent faire l’objet d’une surveillance spécifique. La difficulté, la lourdeur et la morbidité potentielle des stratégies actuelles de dépistage du cancer du pancréas rend cette approche particulièrement souhaitable.

 

L’objectif du travail de Roberts et al. que nous rapportons était de tenter d’identifier de nouveaux gènes de prédisposition aux adénocarcinomes pancréatiques au moyen d’une approche pangénomique (séquençage du génome entier – whole genome sequencing – ou de l’ensemble des séquences codantes, c’est-à-dire de l’exome – whole exome sequencing) mise en œuvre chez 38 sujets issus de 16 familles comptant au moins 3 cas d’adénocarcinomes pancréatiques (avec ADN disponible pour l’étude moléculaire chez au moins 2 apparentés atteints).

 

Cette analyse complexe a permis d’identifier une mutation constitutionnelle du gène de l’Ataxie Télangiectasique (gène ATM – Ataxia Telangiectasia Mutated) dans 2 familles : c.8266A>AT; p.K2756X et c.170G>GA; p.W57X. Pour ces 2 familles, la mutation « co-ségrégeait » avec le phénotype tumoral, c’est-à-dire qu’elle était identifiée chez les 3 sujets atteints testés. Le caractère délétère de ces 2 mutations ne fait pas de doute compte tenu d’une part de leur nature « tronquante », d’autre part de leur identification à l’état homozygote ou hétérozygote composite chez des enfants atteints d’ataxie télangiectasique.

 

Afin de préciser la prévalence des mutations du gène ATM dans les formes familiales non syndromiques d’adénocarcinomes du pancréas, ces auteurs ont réalisé dans un second temps un criblage systématique du gène ATM chez 166 sujets atteints issus de familles réunissant au moins 2 cas (2 cas : n=79 : ≥ 3 cas : n=87). Une mutation du gène ATM était identifiée chez 4 patients de ce groupe. Il s’agissait pour ces 4 cas de sujets issus de familles comportant au minimum 3 cas d’adénocarcinomes pancréatiques. La prévalence des mutations hétérozygotes du gène ATM est donc évaluée à 2,4 % (4/166) dans les familles comportant 2 cas ou plus d’adénocarcinomes pancréatiques et à 4,6 % (4/87) dans les familles comportant 3 cas ou plus. Comme les 2 précédentes, ces 4 mutations ont été impliquées antérieurement dans la genèse de l’Ataxie Télangiectasique ce qui témoigne de leur caractère délétère. La prévalence réelle des mutations pourrait être supérieure, en raison de l’identification d’autres modifications du gène ATM, de signification inconnue ou incertaine, chez d’autres individus testés.

 

Ces données plaident en faveur de la recherche d’une mutation du gène ATM chez les individus atteints d’adénocarcinome pancréatique diagnostiqué dans un contexte d’agrégation familiale « non syndromique », au moins lorsque le nombre de cas est ≥ 3. Il est cependant nécessaire de préciser la prévalence de ces mutations dans différentes situations cliniques afin de préciser à l’avenir les indications d’étude de ce gène. Les mutations constitutionnelles hétérozygotes du gène ATM étant associées à une augmentation modérée du risque de cancer du sein chez les femmes (3), il est possible que l’association d’un ou de plusieurs cas de cancers du sein dans un contexte d’agrégation familiale de cancers du pancréas majore la probabilité d’identification d’une mutation de ce gène mais ceci mérite d’être évalué. A ce titre, il est intéressant de noter qu’une femme atteinte d’un cancer du pancréas avec mutation du gène ATM rapportée dans la série publiée par Roberts et al. avait un antécédent personnel de cancer du sein et qu’un cancer du sein avait également été diagnostiqué chez l’une des ses deux sœurs dont le statut génétique n’est pas précisé. L’évaluation du risque de cancer du pancréas (c’est-à-dire de sa pénétrance) chez les individus porteurs d’une mutation du gène ATM est également nécessaire afin de guider les recommandations de prise en charge et de dépistage. Pour finir, cette étude souligne la performance des stratégies d’analyses pangénomiques pour l’identification de nouveaux gènes de prédisposition, stratégie qui avait déjà conduit à impliquer les mutations constitutionnelles du gène PALB2 dans la genèse de certaines formes familiales de cancers du pancréas (4).

 

Références

 

1 – Schneider R, Slater EP, Sian M, et al. German national case collection for familial pancreatic cancer (FaPaCa) : ten years experience. Familial cancer 2011 ; 10 : 323-330.

 

2 – Roberts NJ, Jioa Y, Yu J, et al. ATM mutations in patients with heredirtary pancreatic cancer. Cancer Discovery. Published OnelineFirst on December 29, 2011.

 

3 – Geoffroy-Perez B, Janin N, Ossian K, et al. Cnacer risk in heterozygotes for ataxia-telangiectasia. Int J Cancer 2001; 93 : 288-293.
4 – Jones S, Hruban RH, Kamiyama M, et al. Exomic sequencing identifies PALB2 as a pancreatic cancer susceptibility gene. Science 2009; 324: 217.