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Conférences Thématiques
12 mars 2010
Digestif
Marc GIOVANNINI

Quel traitement percutané pour un carcinome hépatocellulaire ?

Marc GIOVANNINI
Unité d’exploration médico-chirurgicale oncologique et Unité d’Endoscopie, Institut Paoli-Calmettes, 232, boulevard Sainte-Marguerite, F-13273 Marseille cedex 9
uemco@marseille.fnclcc.fr

 

Résumé

Le carcinome hépatocellulaire (CHC) est une des tumeurs malignes les plus fréquentes. Jusqu’à présent, le seul traitement considéré comme curatif est la chirurgie. Suivant les séries, une survie à 5 ans est alors possible pour 12 à 46 % des patients. L’injection percutanée d’alcool a été, au début des années 80, la première technique de traitement local du petit hépatocarcinome de moins de 3-5 cm unique. Depuis, d’autres techniques percutanées sont apparues comme la thermo-ablation par radiofréquence. Le traitement par radiofréquence est aujourd’hui le meilleur traitement percutané d’un hépatocarcinome sur cirrhose Pugh A ou B unique de moins de 4 cm de diamètre ou multiple (n < 3, de moins de 3 cm). Ce traitement peut représenter une alternative à la chirurgie d’exérèse. En cas de contreindications à la radiofréquence, l’injection intra-tumorale d’acide acétique ou d’alcool absolu reste un traitement efficace.

 

Abstract

Hepatocellular carcinoma (HCC) is the most common primary liver malignancy. Surgery resection can be a curative treatment for HCC. However, this cancer is usually associated with liver cirrhosis or chronic hepatitis, so most patients with HCC are not candidates for surgical resection owing to poor hepatic reserve. Several minimally invasive techniques, such as percutaneous ethanol injection, percutaneous microwave coagulation, radiofrequency thermoablation (RFTA), interstitial laser photocoagulation and percutaneous acetic acid injection, have been used to treat HCC and metastatic liver tumors.

Percutaneous ethanol injection is the most widely performed local treatment for small HCCs. The prognosis of patients with HCCs less than or equal to 3 cm in diameter who are treated with percutaneous ethanol injection is comparable to that of patients who are treated with surgical resection. Recent reports have indicated that RFTA is very effective for local control of small HCCs. It appears RFTA might be an alternative to percutaneous ethanol injection and also to surgery.

 

Introduction

Le carcinome hépatocellulaire (CHC) est une des tumeurs malignes les plus fréquentes (notamment chez les sujets originaires d’Afrique australe ou du Sud-est asiatique). La survie spontanée est de l’ordre de 1 à 6 mois après la découverte de la tumeur. Jusqu’à présent, le seul traitement considéré comme curatif est la chirurgie, au moyen d’hépatectomie réglée ou de transplantation. Suivant les séries, une survie à 5 ans est alors possible pour 12 à 46 % des patients. Chez les patients cirrhotiques, la surveillance échographique régulière peut permettre de découvrir des tumeurs sans expression clinique, ce qui rend possible la mise en oeuvre d’un traitement. La chirurgie est le traitement de choix chez les patients qui peuvent en bénéficier. Il a toutefois fallu développer des techniques palliatives en raison du petit nombre de patients opérables, inférieur à 10 %, soit en raison du caractère diffus ou multifocal du CHC, soit en raison du mauvais état du foie non tumoral chez les patients cirrhotiques.

L’hépatocarcinome représente 5 % de tous les cancers dans le monde (500 000 morts/an).

En Europe Centrale et du Nord, le virus C et l’alcool sont les principales causes.

En France, l’alcool est responsable de 60 % de tous les CHC dans les dix dernières années et son incidence de 4 000/an est en augmentation. C’est l’augmentation de la survie des patients avec cirrhose avancée qui entraîne une augmentation de l’incidence.

Actuellement, l’hépatocarcinome est la première cause de décès chez les cirrhotiques.

L’injection percutanée d’alcool a été, au début des années 80, la première technique de traitement local du petit hépatocarcinome de moins de 3-5 cm unique. Depuis, d’autres techniques percutanées sont apparues ; on peut schématiquement séparer l’ablation tumorale chimique, l’ablation tumorale thermique et la cryo-ablation.

 

L’ablation tumorale chimique

Généralement, elle fait appel à l’injection locale intratumorale, le plus souvent guidée par échographie, d’un produit cytotoxique comme l’alcool absolu ou l’acide acétique.

 

Injection percutanée d’alcool absolu

Le principe de l’injection d’alcool dans les carcinomes hépatocellulaires est basé, d’une part, sur la différence de structure entre la tumeur qui est de consistance molle et le foie adjacent, habituellement cirrhotique et dur, permettant à l’alcool d’être confiné dans la tumeur et, d’autre part, sur la toxicité liée à l’alcool qui exerce son action sur la déshydratation cellulaire entraînant une nécrose de coagulation et sur la thrombose artérielle intratumorale entraînant une ischémie tumorale.

L’indication majeure est représentée par les tumeurs de petite taille allant jusqu’à 3 ou 5 cm de diamètre, un nombre de tumeurs inférieur ou égal à 3, chez des sujets ayant une contreindication chirurgicale. Les indications sont :

  • les carcinomes hépatocellulaires de petite taille, en nombre limité, chez des patients Child A ou B ;
  • les nodules dysplasiques correspondant à un état frontière entre les nodules de régénération bénins et les carcinomes hépatocellulaires [1].

La technique de référence est l’injection fractionnée de quelques millilitres d’alcool pur lors de chaque séance. Le nombre de séances varie de 3 à plus d’une dizaine en fonction du nombre et de la taille des lésions. En pratique, on met en place une aiguille dont le diamètre est compris entre 19 et 22 G au centre de la lésion et on injecte, par sessions, un volume moyen compris entre 1 et 9 ml. Lors de l’injection de l’alcool, on observe dès le premier millilitre une transformation fortement hyperéchogène du nodule. Une fois l’injection terminée, l’aiguille est laissée en place pendant une minute pour éviter le reflux d’alcool dans la cavité péritonéale. Les passages vasculaires précoces d’alcool nécessitent, soit le repositionnement de l’aiguille, soit l’arrêt de l’injection. Ce traitement est répété deux à trois fois par semaine jusqu’à ce que les examens morphologiques ou le contrôle histologique montrent la nécrose complète de la lésion [2]. Livraghi et coll. ont proposé l’injection de grande quantité d’alcool pendant une seule session sous anesthésie générale. Des volumes compris entre 6 et 165 ml ont été injectés avec une moyenne de 57 ml d’alcool pur injectés en un temps [3].

Après ce type de traitement, une nécrose avec cytologie négative est rapportée pour 72 à 87 % des petits hépatocarcinomes sur cirrhose (tous inférieurs à 5 cm de diamètre). Pour ces petites lésions, 4 études comparent l’alcoolisation guidée par échographie et la chirurgie. Ebarra et al. [4] ont alcoolisé 109 carcinomes chez 859 patients avec 92 %, 81 %, 61 %, 55 % et 41 % de survie, respectivement à 1, 2, 3, 4 et 59 ans. Arienti et al. [5] ont alcoolisé 49 carcinomes chez 42 patients avec 92 %, 74 % et 53 % de survie à 1, 2 et 3 ans. Kotoh et al. [6] ont comparé la survie à 4 ans chez 17 patients opérés et 23 patients alcoolisés. Tous les carcinomes mesuraient moins de 20 mm. La survie était de 75 % dans le premier groupe et de 93 % dans le deuxième, et pourtant tous les patients alcoolisés avaient été récusés pour la chirurgie, soit en raison de l’âge supérieur à 70 ans, soit en raison de l’insuffisance hépatocellulaire. Enfin, Castells et al. [7] ont alcoolisé 30 hépatocarcinomes et comparé leur survie avec un groupe de 33 patients opérés pour résection hépatique et 21 patients transplantés. La survie était de 83 %, 66 %, 55 % et 34 % à 1, 2, 3 et 4 ans dans le groupe traité par voie percutanée et de 81 %, 73 %, 46 % et 44 % pour le même recul dans le groupe opéré.

Dans l’étude multicentrique italienne [8] concernant 674 malades, la survie à 54 ans était de 40 % pour les tumeurs uniques de moins de 3 cm de diamètre, de 37 % pour les tumeurs uniques ayant un diamètre compris entre 3 et 5 cm et de 36 % pour les tumeurs doubles ou triples, ayant chacune moins de 3 cm de diamètre. Pour les tumeurs uniques de moins de 5 cm, la survie à 5 ans était respectivement de 47 %, 29 % et 0 % chez les patients Child A, B et C. Ainsi, globalement, l’alcoolisation paraît aussi efficace que la résection tout en étant moins délétère pour la fonction hépatique, ce qui permet d’étendre ses indications aux patients Child B. En plus de cet avantage, l’alcoolisation constitue un traitement immédiat et simple, pouvant être effectué le plus souvent en ambulatoire sous anesthésie locale. Sa mortalité est quasi nulle et sa morbidité est faible, de l’ordre de 2 à 5 %. Enfin, le coût en matériel est faible. Les limites de l’alcoolisation sont les suivantes :

  • elle permet le traitement uniquement des lésions démontrées par l’imagerie ;
  • elle est contre-indiquée en cas de troubles de l’hémostase (plaquettes < 50 000/mm3 et taux de prothrombine < 50 %) ;
  • les tumeurs du dôme hépatique sont difficilement accessibles et le traitement des tumeurs sous-capsulaires expose au risque d’hémopéritoine ;
  • les séances doivent être répétées lorsque de petits volumes d’alcool sont injectés (1 à 2 ml), l’injection de grands volumes d’alcool diminuant le nombre de séances mais nécessitant le plus souvent une anesthésie générale en raison de son caractère douloureux ;
  • enfin, la distribution intratumorale de l’alcool est aléatoire, en raison de la présence de septa fibreux [9]. Cette dernière limite a été palliée par l’utilisation d’acide acétique, mais cette pratique n’a été développée que par quelques équipes japonaises [10]. Comme, pour la résection chirurgicale, la survie après alcoolisation dépend non seulement de la survenue d’une récidive tumorale, estimée à plus de 75 % après 5 ans, mais également de l’évolution propre de la cirrhose.

 

Injection percutanée d’acide acétique

L’acide acétique est utilisé le plus souvent à 50 % et la technique est la même que pour celle de l’injection alcool absolu. Les données de la littérature montrent que l’acide acétique, probablement de par une meilleure diffusion à travers les cloisons fibreuses tumorales développées au sein du tissu tumoral, présente un pouvoir nécrosant plus important que celui de l’alcool et permet donc d’utiliser des doses nettement réduites par rapport aux doses habituellement utilisées lors de l’alcoolisation percutanée.

Il devient ainsi possible, avec des résultats au moins aussi bons et une tolérance comparable, de réaliser l’acétisation de la majeure partie des carcinomes hépatocellulaires en une seule séance au lieu d’avoir besoin de fragmenter les séances.

D’autre part, il est très clair que la diffusion de l’agent au sein de la tumeur à traiter est probablement l’un des facteurs essentiels à l’efficacité de la technique.

Fartoux et al. [11] ont rapporté leur expérience concernant le traitement de petits carcinomes hépatocellulaires par l’acide acétique à 50 %. Trente-six patients avec 42 nodules ont été traités. Les injections ont été guidées par fluoroscopie sous scanner afin de s’assurer de la nécrose complète de la tumeur. Une nécrose tumorale complète a été obtenue chez 29/36 patients (80,6 %) après une (58,4 %), deux ou trois séances (22,2 %). Aucune complication sérieuse n’a été observée. En intention de traiter, 21/36 patients (58,3 %) n’ont pas présenté de récidive ou de 2e localisation pendant la durée du suivi. Dans le sous-groupe des 29 patients ayant eu une nécrose complète, le taux de récidive (ou de 2e localisation) et le taux de survie sans récidive à 12 mois ont été de 24 % (7/29 patients) et de 69 % (20/29 patients). Le traitement n’a pas permis d’obtenir de nécrose complète des tumeurs chez 7/36 patients (19,4 %) en raison de la survenue d’un CHC multifocal moins de trois mois après le début du traitement. Le nombre et la taille des nodules, le volume d’acide acétique injecté, le score de Child n’étaient pas prédictifs de la récidive.

 

Injection intratumorale de chimiothérapie

Quelques études ont évalué l’injection intratumorale d’agents chimiques comme la Mitoxantrone ou le CDDP couplé à de l’Épinéphrine.

Farrés et al. ont rapporté une courte expérience d’injection locale de Mitoxantrone chez 9 patients porteurs de 15 lésions tumorales hépatiques mais seulement 4 CHC. Onze sur quinze (11/15) nécroses complètes ont été observées [12].

Le traitement par CDDP-Épinéphrine [13] a suscité un taux de réponse global de 53 % (27 sujets évaluables sur 51), 31 % des malades ayant connu une réponse totale (réduction de 100 % du volume tumoral). Le taux de réponse global représente une réduction du volume tumoral de plus de 50 %. En outre, les patients traités par CDDP-Épinéphrine avaient atteint une survie médiane de 22,1 mois au moment de l’analyse. Entre 1997 et 2000, 51 patients ont été traités, dont 96 % de cirrhose d’origine virale. Le volume tumoral moyen était de 25 cm3 (extrêmes 2-314). Une réponse objective a été notée chez 27 patients (53 %) avec 16 réponses complètes (31 %). Le délai médian d’obtention de réponse était de 1,8 mois et la durée médiane de réponse de 9,5 mois. La survie médiane fut de 27 mois, les survies à 1, 2 et 3 ans étant respectivement de 79 %, 56 % et 14 %. La tolérance du traitement était bonne avec peu d’effets secondaires immédiats (HTA, douleur, tachycardie) et retardés (fièvre 48 %, vomissements 24 %). Trois décès étaient potentiellement en rapport avec le traitement, correspondant tous à des décompensations de l’hépatopathie sous-jacente.

 

L’ablation tumorale thermique

Les techniques sont multiples. La destruction tumorale peut être obtenue par une hyperthermie : radiofréquence (RF), photocoagulation laser ou micro-ondes.

Thermoablation par radiofréquence

La radiofréquence est un phénomène créé par le passage d’un courant électrique alternatif de haute fréquence dans une électrode représentée par une aiguille, introduite dans les tissus tumoraux [14] qu’elle détruit par une température comprise entre 70°C et 90°C (thermo-exérèse). Les ondes de radiofréquence sont employées, à titre curatif ou palliatif, sur des tumeurs hépatiques primaires inaccessibles à la chirurgie. Introduit sous repérage échographique ou tomodensitométrique, un trocart est relié à un appareil délivrant des ondes de radiofréquences qui lysent la lésion en une ou plusieurs séquences d’une durée moyenne de dix minutes chacune. Le nombre de séances varie avec le nombre de lésions. Pour les tumeurs hépatiques, la radiofréquence est utilisée au bloc opératoire par laparotomie ou coelioscopie, ou au plateau technique par voie percutanée. L’intervention est douloureuse au temps de destruction tumorale [15], notamment lorsque les lésions sont proches de la capsule hépatique, et impose dans la plupart des cas une anesthésie générale.

L’ablation par radiofréquence est réalisée par la production de chaleur. La RFA utilise du courant qui est appliqué sur la tumeur par des aiguilles de radiofréquence reliées à un générateur externe. Sa fréquence est de 400 à 500 KHz. Sinusoïdal, ce courant induit une agitation ionique qui provoque un échauffement, puis une nécrose par coagulation (Fig. 1). La destruction cellulaire est obtenue par les effets de la chaleur sur la fluidité des membranes, les protéines du cytosquelette et sur la structure du noyau, par arrêt de la réplication de l’ADN. Une destruction irréversible des tissus est ainsi obtenue, ce d’autant plus facilement que les cellules tumorales sont plus sensibles à la chaleur que les cellules normales. L’avantage de la radiofréquence est la possibilité de traiter de grosses lésions tumorales grâce à l’application d’un système d’aiguilles multiples. Les résultats de la radiofréquence sont rapportés dans les tableaux 1 et 2.

Le registre des complications recueilli par questionnaire envoyé à 43 centres japonais pratiquant la radiofréquence comme traitement du carcinome hépatocellulaire a permis de recenser :

  • 207 complications chez 2 614 patients traités (7,9 %) [22] ;
  • 52 complications intrahépatiques (lésion biliaire, thrombose porte, abcès du foie, progression rapide, infarctus hépatique, aiguille incarcérée, anévrysme) ont été rapportées ayant abouti à 4 décès ;
  • 138 complications au niveau du point de ponction [épanchement pleural, ascite, hémopéritoine, traumatisme pariétal, atteinte extrahépatique (péritoine, vésicule biliaire, estomac, duodénum et côlon), hémothorax, hématome sous-capsulaire, pneumothorax, hémorragie gastro-intestinale, dissémination péritonéale] ont été notées avec 2 décès ;
  • et 17 complications générales (ictère, insuffisance hépatocellulaire, hypotension, infarctus du myocarde, troubles du rythme, insuffisance respiratoire aiguë, attaque de panique) ont été responsables de 3 décès.
  • Au total, la thermoablation par radiofréquence a une mortalité de 0,3 % et une morbidité de 8 %.

 

Thermoablation par laser interstitiel

Le laser permet l’ablation tumorale par l’application de chaleur. Celle-ci est dégagée par l’énergie du laser. Plusieurs types de lasers ont été évalués. Le laser Nd-YAG (15 064 à 15 320 nm), le laser à diode semi-conductrice (805 nID) et le laser à argon (488 514 nID). Le laser type 805 nID a été particulièrement utilisé, car il est portable et est applicable sur la plupart des tissus grâce à sa longueur d’onde. Il est appliqué dans des aiguilles spéciales sur la tumeur, avec un faisceau laser qui sort de quelques mm de l’aiguille. Le traitement consiste en 2-2,5 W délivrés pendant 500 s (> 1 000 J par fibre) sur 10 mm. La taille de la destruction tissulaire peut être augmentée par l’utilisation de nombreuses fibres, les points d’applications de celles-ci ou la répétition des traitements. L’application du laser se fait sous contrôle mammographique et surtout IRM. Une température de 80 à 100 °C est obtenue et est maintenue pendant 15 à 20 minutes pour obtenir une destruction tumorale.

Macroscopiquement, le laser induit une cavité centrale correspondant à la tumeur détruite entourée par une zone de tissu pâle, associée à une liponécrose et des hémorragies périphériques, avec de petites zones de tumeur résiduelle, non viables sur des colorations spéciales. Les études qui ont évalué le laser interstitiel montrent un taux de nécrose complète d’environ 95 %, mais il semble que le taux de complications de cette technique, beaucoup plus lourde à mettre en oeuvre, soit assez rédhibitoire (thrombose portale, plaie biliaire, décès par nécrose hépatique extensive, cholépéritoine, perforation digestive,…) [23-25].

 

Thermoablation par micro-ondes

Cette technique utilise aussi des ultrasons mais à des fréquences de 2 450 MHz. La zone de radionécrose obtenue est plus restreinte que celle obtenue avec une aiguille de radiofréquence de même calibre. Ceci nécessite donc la mise en place de plusieurs électrodes au sein d’une tumeur afin d’obtenir une nécrose complète ; surtout utilisée au Japon, pour traiter des lésions de moins de 3 cm de diamètre.

Une étude récente non randomisée [26] a montré une équivalence en termes de contrôle local, de complications et de survie globale entre radiofréquence et micro-ondes. Cent deux (102) patients avec un ou plusieurs hépatocarcinomes ont été traités soit par micro-ondes (53 patients), soit par radiofréquence (49 patients). La survie globale à 1, 2, 3 et 4 ans était respectivement de 81,6 % ; 61,2 % ; 50,5 % et 36,8 %, pour les patients traités par micro-ondes et, pour les patients traités par radiofréquence, de 71,7 %, 47,2 %, 37,6 % et 24,2 % (p = 0,12).

 

La cryoablation

Elle se sert des basses températures pour entraîner la destruction cellulaire. Elle est indiquée s’il n’y a pas de désordre extrahépatique. La majorité des auteurs ne traitent pas plus de cinq lésions en une seule séance [27,28]. Des complications ont été décrites : hypothermie, arythmies, de même que des fissures du tissu hépatique lorsque la cryoablation atteignait la surface du foie. Les autres complications peuvent apparaître dans les suites : augmentation des transaminases, une température à 39 °C, sans signe infectieux évident, chute des plaquettes, troubles rénaux avec myoglobinémie, fistules biliaires et, enfin, des phénomènes de « cryoshock » qui ont pu entraîner le décès de quelques patients.

Actuellement, la taille des électrodes ne permet pas une utilisation percutanée mais plutôt peropératoire ou sous contrôle laparoscopique.

 

Quel est le meilleur traitement percutané ?

Seuls des essais randomisés peuvent répondre à cette question ; nous allons donc voir successivement tous les essais randomisés ayant trait à cette question afin de pouvoir y répondre.

 

Quel type d’aiguille : droite refroidie ou parapluie ?

Shibata et al. [29] ont répondu à cette question en randomisant 74 patients avec 83 hépatocarcinomes de moins de 3 cm de diamètre. Quarante et un (41) CHC ont été traités avec une aiguille droite refroidie et 42 avec une aiguille « parapluie » (Fig. 2).

Aucune différence n’a été retrouvée en ce qui concerne le taux de nécrose complète (95 % vs 93 %), le taux de complications (0 % vs 2,1 %). Le taux de contrôle local à 1, 2 et 3 ans a été successivement de 47 %, 34 % et 34 % pour l’aiguille droite refroidie et de 44 %, 22 % et 22 % pour l’aiguille parapluie.

En conclusion, il n’existe aucune différence que l’on utilise une aiguille droite ou parapluie.

 

Chirurgie ou traitement percutané ?

Huang et al. [30] ont randomisé 76 patients présentant une CHC unique de moins de 3 cm de diamètre entre chirurgie d’exérèse et injection locale échoguidée d’alcool absolu. Aucune différence n’a été trouvée entre les 2 groupes, la survie actuarielle de 1 à 5 ans a été de 100 % ; 100 % ; 96,7 % ; 92,1 %, et 46 % pour le groupe « alcoolisation » et de 97,4 % ; 91,3 % ; 88,1 % ; 88,1 % et 81,8 % pour le groupe chirurgie. La survie sans récidive de 1 à 5 ans a été de 76,1 % ; 64,5 % ; 49,1 % ; 44,6 % ; et 44,6 % pour le groupe alcoolisation et de 89,5 % ; 71,3 % ; 60,9 % ; 56,2 % ; et 48,2 % pour le groupe chirurgie. La conclusion de cette étude était que les 2 techniques étaient aussi efficaces.

Chen et al. [31] ont comparé, de manière randomisée, chez 180 patients porteurs d’un CHC de moins de 5 cm, la résection chirurgicale versus la thermoablation par radiofréquence. La survie actuarielle à 1, 2, 3 et 4 ans a été dans le groupe « Radiofréquence » de 95,8 % ; 82,1 % ; 71,4 % ; 67,9 % et dans le groupe « Chirurgie » de 93,3 % ; 82,3 % ; 73,4 % ; 64,0 % respectivement. La survie sans récidive a été de 85,9 % ; 69,3 % ; 64,1 % ; 46,4 % pour le groupe « Radiofréquence » et de 86,6 % ; 76,8 % ; 69 % ; 51,6 % pour le groupe « Chirurgie ». Là encore, aucune différence statistique entre les 2 traitements.

On peut donc conclure que les traitements percutanés alcoolisation ou radiofréquence sont équivalents à la chirurgie d’exérèse pour les CHC uniques de moins de 5 cm de diamètre en ce qui concerne la survie globale et la survie sans récidive (Fig. 3 et 4). Néanmoins, il s’agit de 2 études à faible niveau de preuve car non construites pour démontrer l’équivalence des 2 techniques.

Alcool, acide acétique ou radiofréquence ?

La première étude randomisée fut celle de Onishi en 1998 [10] qui compara l’injection intratumorale d’alcool versus l’injection d’acide acétique à 50 %. Soixante (60) patients furent randomisés : 31 traités par acide acétique et 29 par alcool absolu. Le taux de récidive locale fut significativement plus important dans le groupe « alcool » (37 %) que dans le groupe « acide acétique » (8 % ; p < 0,001). De même, la survie globale à 2 ans était significativement meilleure pour le groupe « acide acétique » (92 %) versus le groupe « alcoolisation » (63 % ; p = 0,0017).

Trois (3) études randomisées ont comparé « alcoolisation » et « radiofréquence ». Lencioni et al. [32] ont inclus 102 patients (52 traités par radiofréquence et 50 par alcoolisation). La survie globale à 1 et 2 ans a été de 100 % et 98 % dans le groupe radiofréquence et de 96 % et 88 % dans le groupe alcoolisation (non significatif ; p = 0,138). La survie sans récidive à 1 et 2 ans a été de 98 % et 96 % dans le groupe radiofréquence versus 83 % et 62 % dans le groupe alcoolisation (différence significative ; p = 0,002). Cette étude conclut que le traitement par radiofréquence était supérieur à l’alcoolisation pour le contrôle local du CHC.

Lin et al. [33] ont comparé le traitement par radiofréquence versus l’alcoolisation chez 157 patients présentant 186 hépatocarcinomes de moins de 4 cm de diamètre. Cinquante-deux (52) patients ont été traités par alcoolisation conventionnelle, 53 par de hautes doses d’alcool et 52 par radiofréquence. Le taux de nécrose complète a été de 88 % dans le groupe alcoolisation conventionnelle, 92 % dans le groupe alcoolisation haute dose, et 96 % dans le groupe radiofréquence. Significativement, moins de sessions thérapeutiques furent nécessaires dans le groupe radiofréquence que dans les 2 groupes (p < 0,01). Le taux de contrôle tumoral fut plus élevé dans le groupe radiofréquence que par rapport aux 2 groupes alcoolisations (alcoolisationconventionnelle, p=0,012;vsHautedosed’alcool;p=0,037). La survie globale a été supérieure dans le groupe radiofréquence (vs alcoolisation conventionnelle, p = 0,014 ; vs haute dose d’alcool, p = 0,023). La survie sans récidive a été significativement meilleure dans le groupe radiofréquence (vs alcoolisation conventionnelle, p = 0,019 ; vs haute dose d’alcool, p = 0,024).

Shiina et al. [34] ont randomisé 231 patients porteurs de CHC de moins de 3 cm de diamètre et en nombre inférieur ou égal à 3. Cent dix-huit (118) ont été traités par radiofréquence et 114 par alcoolisation. Le nombre de sessions a été significativement moindre dans le groupe radiofréquence que dans le groupe alcoolisation (2,1 vs 6,4 ; p < 0,0001). La survie globale à 4 ans a été de 74 % dans le groupe radiofréquence et de 57 % dans le groupe alcoolisation (p = 0,006).

Nous pouvons donc conclure que la thermoablation par radiofréquence est supérieure à l’injection intratumorale d’alcool pour le contrôle local et la survie globale des hépatocarcinomes de moins de 4 cm de diamètre. Deux méta-analyses récentes ont confirmé la supériorité en termes de survie pour la RF versus l’alcoolisation percutanée [35,36]

Enfin, Lin et al. [37] ont récemment randomisé les 3 techniques : alcoolisation versus injection d’acide acétique versus thermoablation par radiofréquence. Cent quatre vingt-sept (187) patients présentant un CHC de moins de 3 cm de diamètre ont été inclus dans cette étude. Soixante-deux (62) ont été traités par radiofréquence, 62 par alcoolisation et 63 par injection d’acide acétique à 50 %. Le taux de récidive locale à 1,2 et 3 ans a été de 10 %, 14 %, et 14 % dans le groupe radiofréquence, 16 %, 34 %, et 34 % dans le groupe alcoolisation, et 14 %, 31 %, et 31 % dans le groupe acide acétique (RFTA vs PEI, p = 0,012; RFTA vs PAI, p = 0,017). La survie actuarielle à 1,2 et 3 ans a été de 93 %, 81 %, et 74 % dans le groupe radiofréquence, 88 %, 66 %, et 51 % dans le groupe alcoolisation , et 90 %, 67 %, et 53 % dans le groupe acide acétique (RFTA vs PEI, p = 0,031; RFTA vs PAI, p = 0.038). La survie sans récidive à 1,2 et 3 ans a été de 74 %, 60 %, et 43 % dans le groupe radiofréquence, 70 %, 41 %, et 21 % dans le groupe alcoolisation, et 71 %, 43 %, et 23 % dans le groupe acide acétique (RFTA vs PEI, p = 0,038; RFTA vs PAI, p = 0,041). Mais les complications les plus graves sont survenues dans le groupe radiofréquence 4,8 % des patients (2 hémothorax, 1 perforation gastrique) et aucune dans les autres groupes (RFTA vs PEI et PAI, p = 0,035).

Nous pouvons donc conclure que la Radiofréquence est plus efficace que les autres techniques d’injection locale intra-tumorale (alcool ou acide acétique) mais que le risque de complication est aussi plus élevé avec la thermoablation.

 

Quelle technique pour le futur ?

A ce jour, on peut donc conclure que la thermoablation est la technique percutanée la plus efficace, mais comment encore augmenter son efficacité pour diminuer le taux de récidive locale (environ de 10 %) et éviter le risque d’apparition de nouvelle localisation ?

Il semblerait que l’association alcoolisation suivie de radiofréquence au cours de la même session augmenterait la zone de radionécrose mais nous n’avons pas encore de données sur le taux de récidive locale.

Par ailleurs, il semble que l’association radiofréquence et chimioembolisation améliore le contrôle local [38].

L’apparition récente d’une nouvelle technique de radiofréquence dite multipolaire [39] semblerait augmenter la zone de nécrose par la possibilité d’introduire et de faire fonctionner en même temps 2 ou 3 électrodes dans une lésion. Les études chez l’animal et les premières études sur l’homme montrent des résultats très intéressants.

 

Conclusion

Le traitement par radiofréquence est aujourd’hui le meilleur traitement percutané d’un hépatocarcinome sur cirrhose Pugh A ou B (Tableau 3) unique de moins de 4 cm de diamètre ou multiple (n < 3, de moins de 3 cm). Ce traitement peut représenter une alternative à la chirurgie d’exérèse. En cas de contre-indications à la Radiofréquence (Tableau 3), l’injection intra-tumorale d’acide acétique ou d’alcool absolu reste un traitement efficace.