Œsophage de Barrett – Définition et méthodes de diagnostic de l’œsophage de Barrett
Emmanuel Coron, Tamara Matysiak-Budnik, Mathieu Le Chevalier de Préville, Jean-Paul Galmiche
Institut des Maladies de l’Appareil Digestif Nantes, Hépato-Gastroentérologie, CHU Hôtel-Dieu, Nantes,F-44093 Nantes Cedex
jeanpaul.galmiche@chu-nantes.fr
Résumé
L’œsophage de Barrett ou endobrachyœsophage (EBO) est le remplacement de la muqueuse malpighienne de l’œsophage par une métaplasie glandulaire. Son diagnostic repose sur la combinaison d’une suspicion endoscopique et d’une confirmation histologique. L’EBO est un facteur de risque reconnu de l’adénocarcinome œsophagien, et il est considéré comme une condition pré-cancéreuse pouvant évoluer chez certains patients selon une séquence métaplasie – dysplasie – cancer. Du fait de son potentiel dégénératif, une surveillance endoscopique est sou-vent préconisée en l’absence de contre-indication à un traitement éventuel du fait du terrain. Cette surveillance vise à dépister des lésions pré-cancéreuses ou cancéreuse s précoces à un stade curable. Dans cette revue générale, nous rappelons la définition de Montréal, la classification endoscopique de Prague, ainsi que les nouvelles modalités endoscopiques de dépistage et de surveillance de l’EBO.
Introduction
L’œsophage de Barrett ou endobrachy-œsophage (EBO) est une complication du reflux gastro-œsophagien. De manière générale, l’EBO est caractérisé par le remplacement d’une muqueuse œso-phagienne malpighienne normale, d’aspect grisâtre en endoscopie, par une muqueuse glandulaire de coloration rose saumon, bien connue des endoscopistes. Sa prévalence est de l’ordre de 1 % au cours des endoscopies digestives hautes effectuées pour des symptômes de reflux ou une dyspepsie [1]. De nombreux cas sont en fait totalement asymptomatiques et demeurent méconnus ou seulement découverts à l’occasion d’une endos copie effectuée pour un autre motif que le reflux. L’EBO tire son intérêt du fait qu’il s’agit d’une des lésions pré-cancéreuses digestives les plus facilement identifiables en pratique clinique. L’EBO est susceptible d’évoluer vers l’adénocarcinome de l’œsophage à travers une séquence désormais bien connue comportant un passage vers la dysplasie de bas, puis de haut grade et enfin, le cancer invasif. Paradoxalement, alors même que l’aspect endoscopique est facilement reconnaissable, au moins dans les formes suffisamment étendues, la définition de l’œsophage de Barrett n’a cessé d’évoluer depuis sa description initiale par Norman Barrett [2]. Il en est souvent résulté une grande confusion, source de controverses et de divergences quant aux caractéristiques épidémiologiques de l’affection et à son histoire naturelle. Il est important, à ce stade, de souligner que la définition d’un état pathologique n’est pas strictement superposable au périmètre des informations four nies par les méthodes diagnostiques disponibles en pratique clinique. Ainsi, une maladie peut avoir une définition précise, mais être impossible à diagnostiquer dans un certain nombre de circonstances, par exemple lorsqu’elle est asymptomatique (cas fréquent de l’EBO) ou lorsque les méthodes diagnostiques sont impossibles à mettre en œuvre parce que trop invasives. En revanche, une définition doit être facilement comprise et interprétée par les médecins travaillant dans différents pays et ce, quel que soit le système de soins. Une définition claire et précise doit permettre une bonne communication scientifique internationale et la comparaison de données issues d’équipes différentes. Durant la dernière décennie, plusieurs groupes de travail se sont ainsi attachés à clarifier la définition de l’œsophage de Barrett et la terminologie à employer en fonction des informations four nies par les examens complémentaires nécessaires à son diagnostic [3,4]. L’objectif de cet article est de rappeler les éléments essentiels de ces nouvelles classifications et de dégager quelques perspectives en ce qui concerne les méthodes diagnostiques d’imagerie endoscopique en cours de développement.
Définition
L’œsophage de Barrett est, comme on l’a vu plus haut, caractérisé par le remplacement de la muqueuse malpighienne de l’œsophage par une muqueuse glandulaire. La définition est donc, par principe, histologique. Cependant, la simple présence d’une métaplasie glandulaire ou même d’une métaplasie intestinale, au niveau de la jonction œsocardiale, n’est pas suffisante pour garantir la présence d’un œsophage de Barrett. Ce type de lésion histologique peut, en effet, s’observer en dehors de l’œsophage de Barrett, en particulier lorsqu’il existe une inflammation cardiale liée à une infection à Helicobacter pylori. Le terme de « Barrett ultra court » correspondant à la présence d’une métaplasie intes-tinale sans lésion endoscopique visible est donc à proscrire car source de confusion. Pour prétendre au diagnostic d’œsophage de Barrett, il est nécessaire d’avoir à la fois un aspect endoscopique anormal et une métaplasie glandulaire. C’est le principe même de la définition dite de Montréal développée grâce à une méthode de consensus (méthode Delphi) utilisée par un groupe international pour définir le reflux gastroœsophagien et ses complications dont l’EBO [3]. En pratique, il résulte de cette définition que le diagnostic d’EBO implique deux étapes : a) une étape endoscopique où l’œsophage de Barrett n’est que suspecté (Endoscopically Suspected Esophageal Metaplasia ou ESEM) et b) une étape histologique démontrant la présence sur les biopsies obtenues endoscopiquement d’un épithélium glandulaire, que celui-ci comporte une métaplasie intestinale ou non. La définition englobe donc les cas de métaplasie gastrique sans métaplasie intestinale, ce qui fut l’objet d’un large débat. En effet, les risques de dégénérescence maligne de la métaplasie intestinale sont en général considérés comme plus importants que ceux de la métaplasie gastrique. L’argument qui plaide en faveur de l’inclusion de la métaplasie gastrique dans la définition de l’œsophage de Barrett est que la répétition de biopsies œsophagiennes, en présence d’une métaplasie gastrique, aboutit fréquemment à la constatation sur un autre site œsophagien de la présence associée d’une métaplasie intestinale.
La figure 1 résume les principes de la définition de Montréal. On notera que dans ses principes, cette définition est susceptible de s’adapter à l’évolution des méthodes diagnostiques, la seule exigence étant la présence simultanée de critères endoscopiques et histologiques.
Figure 1 : Définition de l’œsophage de Barrett selon la classification de Montréal (d’après Vakil et al. [3])
Comment établir le diagnostic d’œsophage de Barrett en pratique ?
Figure 2 a: Description de l’extension de l’œsophage de Barrett
Figure 2 b: Description de l’extension de l’œsophage de Barrett
L’une des sources de confusion rencontrées au travers de la littérature tient à la diversité des méthodes de description de l’œsophage de Barrett et à l’absence fréquente de recours à des repères anatomiques précis. En réalité, une bonne description endoscopique des lésions suspectes de métaplasie (ESEM) doit comporter une mesure de l’extension en hauteur de ces lésions. La méthode retenue doit être capable de rendre compte de la variabilité morphologique de l’EBO. Ainsi, certaines formes sont uniquement circulaires, d’autres circulaires avec des languettes ou des îlots de métaplasie glandulaire à distance. Enfin, on est en droit d’attendre d’un système de description endoscopique qu’il soit simple d’utilisation, aussi bien pour des travaux de recherche qu’en pratique courante. Ce fut l’objectif du groupe de travail animé par P. Sharma, que d’aboutir à un tel système de description des lésions d’ESEM [4]. Ce système est connu maintenant sous le nom de classification de Prague, puisqu’il fut présenté la première fois lors du congrès européen tenu dans cette ville. Cette classification nécessite que, lors de toute endoscopie, l’opérateur individualise parfaitement trois repères anatomiques essentiels : a) la jonction œsogastrique (« cardia »), b) la jonction entre la muqueuse glandulaire et la muqueuse œsophagienne (Z-line), et c) l’empreinte correspondant à l’orifice diaphragma-tique et au sphincter inférieur de l’œsophage. Normalement, ces trois repères anatomiques sont situé s à la même distance des arcades dentaires en endoscopie.
En pratique, la jonction œsogastrique correspond à la ligne réunissant le sommet des plis gastriques. Les auteurs japonais utilisent parfois également pour définir la jonction œsogastrique, la terminaison des vaisseaux disposés en palissade, caractéristiques de l’œsophage.
Dans les conditions normales, la jonction œsogastrique (terminaison des plis gastriques) coïncide avec la ligne Z (jonction des muqueuses glandulaires et malpighiennes). En revanche, en cas d’EBO ou plus exactement d’ESEM, il existe un écart qui peut aller de quelques millimètres à plusieurs centimètres ; le terme « d’endobrachy-œsophage » utilisé en littérature française correspond en fait assez bien à cette anomalie purement muqueuse située à l’intérieur du tube œsophagien mais n’impliquant pas les couches musculaires. Par ailleurs, rappelons que le repère correspondant à l’empreinte diaphragmatique et au sphincter inférieur de l’œsophage est utile pour établir le diagnostic de hernie hiatale par glissement ; celle-ci est caractérisée par le passage de la jonction œsogastrique (terminaison des plis gastriques) au dessus de l’orifice diaphragmatique.
Le décalage entre la ligne Z et le sommet des plis gastriques qui caractérise endoscopiquement l’ESEM est identifié au mieux lors de la descente de l’endoscope par un examen de cette zone, sans et avec insufflation. L’extension de l’ESEM doit être décrite systématiquement à l’aide des lettres C et M, selon la méthode rappelée dans la figure 2 : « M » correspond à l’extension maximale des lésions et « C » à l’extension des lésions circonférentielles. L’intérêt de ce système est qu’il a été validé d’un point de vue méthodologique par le groupe de travail inter-national. Ainsi, des séquences vidéo endoscopiques ont été adressées à différents experts de façon à mesurer la reproductibilité du diagnostic et des mesures. Les résultats de la mesure de la variabilité inter-observateur sont exprimés par les statistiques Kappa : des valeurs kappa comprises entre 0,41 et 0,60 correspondent à une concordance inter-observateur moyenne, entre 0,61 et 0,80 à une concordance satisfaisante, et au-dessus de 0,81 à une concordance presque parfaite. L’étude a également permis de mesurer la longueur minimale au-delà de laquelle le diagnostic était peu reproductible. Alors que les valeurs kappa étaient de l’ordre de 0,80 pour des longueurs d’ESEM supérieures à 1 cm, celles-ci n’étaient que de 0,21 lorsque l’extension en hauteur des lésions était à inférieure à 1 cm. Ceci confirme, s’il en était besoin, la nécessité d’une longueur minimale d’ESEM pour porter le diagnostic d’œsophage de Barrett de façon fiable et montre indirectement le caractère inopportun de terminologies telles que « Barrett ultra court ».
Ce système de classification peut paraître exagérément simple, voire simpliste, et on pourrait s’attendre à ce que tous les endos-copistes notent dans leurs comptes rendus la situation exacte des repères anatomiques tels que définis plus haut. En réalité, une enquête menée au niveau européen en 2007 nous a montré qu’il n’en était rien (K. Geboes – données non publiées). Nous avons adressé, en effet, à 31 centres européens d’endoscopie digestive, un questionnaire destiné à préciser l’utilisation ou non de ces repères et l’usage ou non de classifications endoscopiques internationales. Nous avons pu recueillir également 302 comptes rendus endoscopiques comportant un diagnostic d’œsophage de Barrett et qui ont fait l’objet d’une analyse rétrospective. Seuls 26 % des centres interrogés notaient dans 100 % de leurs comptes rendus la situation exacte de la ligne Z ; celle-ci était décrite dans au moins la moitié des comptes rendus chez 48 % des centres interrogés. En ce qui concerne la jonction œso-gastrique, les données correspondantes étaient respectivement de 29 et 54 %, et pour l’extension en hauteur de l’ESEM de 45 et 77 %. Le même travail a également confirmé les très importantes différences de pratique en ce qui concerne la réalisation des biopsies systématiques pour affirmer la présence d’un œsophage de Barrett. Force est donc de constater qu’il reste un immense travail pédagogique à faire pour améliorer la qualité de la pratique endoscopique et des comptes rendus établis par les investigateurs aussi expérimentés soient-ils.
Qu’attendre de nouvelles méthodes diagnostiques ?
Plusieurs méthodes sont actuellement disponibles, certaines largement diffusées (chromoscopie), d’autres uniquement dans des centres experts.
Chromoendoscopie
Figure 3 : Aspect obtenu grâce à la technique de Narrow Band Imaging (NBI)
Les colorations vitales ont peu d’intérêt pour le diagnostic d’œso-phage de Barrett lui-même. Elles sont surtout utiles pour détecter les zones de dysplasie et donc pour la surveillance de l’œso-phage de Barrett, sujet important mais qui ne fait pas partie des objectifs de cet article. Elles peuvent cependant aider à mieux cibler les biopsies pour mettre en évidence la métaplasie intestinale au sein de l’œsophage de Barrett.
Le bleu de méthylène a été l’une des premières techniques utili-sées. Malgré des résultats initialement prometteurs, il est de moins en moins utilisé à l’heure actuelle pour trois raisons :
- le caractère relativement fastidieux de la technique qui nécessite une intubation du malade pour réaliser l’application de N-acétyl cystéine afin d’éliminer le mucus, suivi de l’application de bleu de méthylène à 0,5 % (2 à 20 ml) puis d’un rinçage abondant à l’eau,
- les difficultés d’interprétation de la coloration qui expliquent probablement les résultats hétérogènes et peu convaincants des études de validation et enfin,
- le risque théorique mutagène de ce colorant [5].
L’indigo carmin a été utilisé par Sharma et al. [6] qui ont ainsi montré qu’il était possible d’identifier trois aspects différents :
- un aspect circulaire associé de la métaplasie intestinale dans 17 % des cas ;
- un aspect « en crête » ou villeux associé de la métaplasie intes-tinale dans 97 % des cas et
- un aspect irrégulier et tortueux associé à une dysplasie de haut grade dans 100 % des cas. L’acide acétique, en revanche, est beaucoup plus utilisé.
Il ne s’agit pas véritablement d’une coloration, mais il permet un rehausse-ment de structure lorsqu’il est associé au zoom endoscopique. Il est habituellement utilisé à une concentration de 1,5 à 3 % et, là encore, différents aspects ont été décrits. La probabilité de mettre en évidence la métaplasie intestinale sur les biopsies en fonction de ces différents aspects passerait ainsi de 0 à 100 % [7]. Actuellement, les colorations vitales tendent de plus en plus à être remplacées par la chromo-endoscopie virtuelle utilisant, soit le « narrow-band imaging » (Fig. 3), soit la technique « FICE » car elles sont d’utilisation beaucoup plus facile [8]. Là encore, plus que le diagnostic d’EBO lui-même, l’intérêt de ces méthodes est de mieux cibler les biopsies sur les zones suspectes de dysplasie.
L’endomicroscopie
L’endomicroscopie est une nouvelle technique permettant une exploration de la muqueuse digestive à l’échelle microscopique, avec un grossissement jusqu’à 1 000 fois, et une exploration en profondeur jusqu’à 250 µm sous la muqueuse. Il s’agit d’une technique en cours d’évaluation ; son but est soit d’augmenter la sensibilité de l’endoscopie en améliorant la détection de zones à risque, soit au contraire de limiter les faux-positifs grâce à une meilleure caractérisation histologique « virtuelle » du tissu. Deux techniques sont actuellement disponibles : l’endomicroscopie confocale (Pentax®et Cellvizio de Mauna Kea®), et l’endocytos-copie (Olympus®).
Endomicroscopie confocale
L’endomicroscopie confocale est basée sur l’utilisation d’un laser à faible puissance et d’un colorant fluorescent administré par voie intraveineuse, le plus souvent la fluorescéine. L’illumination par le laser de la muqueuse digestive préalablement marquée par la fluorescéine per met son observation au niveau sub-cellulaire (grossissement x 1 000, champ d’observation horizontal d’envi-ron 300 µm). Deux types d’appareils existent, l’un utilisant un microscope intégré à l’extrémité distale d’un endoscope spéci-fique (système Pentax), et l’autre un microscope fibré pouvant passer par le canal opérateur d’un endoscope standard (système Cellvizio, Mauna Kéa technologies).
Figure 4 : Endomicroscopie confocale de l’œsophage par technique Cellvizio®
Kiesslich et al. ont publié une étude concernant 63 patients explorés par endomicroscopie confocale, pour évaluer le diagnostic in vivo de l’œsophage de Barrett et de la néoplasie sur œsophage de Barrett [9]. A partir de la comparaison entre les images d’histologie in vivo (grâce à l’endomicroscopie confocale) et le diagnostic histologique conventionnel, correspondant aux zones étudiées, une classification des images confocales pour le diagnostic d’œsophage de Barrett a été définie. Cette classification distingue 3 types d’épithélium : gastrique, métaplasie intestinale sans, et avec néoplasie. Elle est basée sur l’architecture des vaisseaux et des cryptes. Dans une évaluation « à l’aveugle », 3 012 images de 156 zones ont été étudiées par un investigateur. La présence d’un œsophage de Barrett pouvait être prédite avec une sensibilité de 98 % et une spécificité de 94 %, tandis que la présence d’une néoplasie sur œsophage de Barrett pouvait être prédite avec une sensibilité de 93 % et une spécificité de 98 %. L’endomicroscopie confocale par la sonde Cellvizio (Fig. 4) pré-sente un avantage pour l’exploration du tube digestif haut, car la sonde passe au travers du canal opérateur d’un endoscope standard. Lors d’une étude de faisabilité conduite par Meining et al. [10], les investigateurs ont démontré que la microscopie confocale basée sur l’utilisation de mini-sondes (Cellvizio, Mauna Kea Technologies, Paris, France) avait une précision de 92 % dans la détection de néoplasie (d’origine digestive haute ou basse), comparée à la procédure standard. L’inconvénient de cette étude a été la mauvaise qualité des séquences obtenues, d’une part, à cause du type de sondes utilisées (sondes de surface) et d’autre part, à cause du fluorophore appliqué (le crésyl violet).
Endocytoscopie
Figure 5 : Aspects endocytoscopiques de l’œsopha ge normal et de l’EBO
L’endocytoscopie utilise le principe de la microscopie optique. Les premières études utilisant ce système étaient réalisées pour la pathologie ORL, et les premiers endocytoscopes étaient des tubes rigides, donc difficiles à appliquer dans les explorations digestives. Le développement de prototypes souples fibrés pouvant passer par le canal opérateur d’un endoscope a permis son utilisation au cours d’explorations endoscopiques hautes et basses. Cette technique nécessite l’application locale d’un colorant sur la muqueuse étudiée (bleu de méthylène le plus souvent). Elle permet également un grossissement x 450 ou x 1 000 de la muqueuse selon le prototype utilisé (Olympus).
En ce qui concerne plus spécifiquement l’œsophage de Barrett et l’adénocarcinome œsophagien, Pohl et al. [11] ont publié une étude de 16 patients, sans lésion visible endoscopiquement. Au total, 166 biopsies provenant de 16 patients, étaient analysées et comparées aux diagnostics endocytoscopiques établis par des gastroentérologues et des anatomopathologistes de façon individuelle ; 2 niveaux de grossissement étaient utilisés (x 1 125 et x 450 ). Cette étude concluait à un nombre important de séquences vidéos ininterprétables (23 à 41 %), mais la concordance inter-observateur était faible (kappa de 0 à 0,45). Dans la recherche de dysplasie de haut grade/cancer, les valeurs prédictives positives et négatives étaient de 0,29 et 0,87 pour le grossissement x 450, et de 0,44 et 0,83 pour le grossissement x 1 125. Les résultats de cette étude étaient plutôt décevants, d’une part, par la qualité des images obtenues (50 % des images étaient considérées comme interprétables), et d’autre part, par la spécificité des critères diagnostiques de néoplasie en endocytoscopie (anomalies nucléaires et orientations des cellules).
Au total, que ce soit pour la technique de l’endomicroscopie confocale ou l’endocytoscopie, l’ensemble de ces résultats est intéressant mais plutôt dans une optique de détection des lésions dysplasiques que de diagnostic de l’EBO lui-même.
Capsule endoscopique
L’utilisation de vidéo-capsules pour l’exploration endoscopique de l’intestin grêle est actuellement largement entrée dans la pratique médicale et représente un saut technologique majeur [12]).
Par son caractère non invasif, l’utilisation de cette technologie serait particulièrement adaptée au dépistage de lés ions pré-cancéreuses, tel que l’endobrachy-œsophage. La firme Given Imaging a donc développé un nouveau système adapté à l’exploration de l’œsophage. Les modifications techniques par rapport à la capsule du grêle portent sur l’existence d’une double détection (caméra proximale et distale), sur la rapidité d’échantillonnage (14 images par seconde au lieu de 4) et sur la possibilité d‘une visualisation en temps réel des images lors du transit œsophagien.
La capsule est équipée d’une batte rie de 25 à 30 mn d’autonomie. La méthode utilisée pour une visualisation optimale de l’œsophage a fait l’objet de plusieurs études. Les études réalisées avec la première génération de capsules œsophagiennes ont été menées chez des sujets en décubitus latéral après ingestion de 100 ml d’eau immédiatement avant l’ingestion elle-même de la capsule. Dan s cette même position et pendant 7 min, le patient ingère ensuite 15 ml d’eau toutes les 30 secondes. Il peut enfin se déplacer librement durant les 15 min suivantes.
Figure 6 : Système de vidéo capsule endoscopique pour l’exploration de l’œsophage (PillCam Eso 2 Given Imaging @)
Les premières études ont porté sur le reflux gastro-œsophagien et, plus particulièrement, sur la recherche de ses complications, l’œsophagite et surtout l’endobrachy-œsophage [13-15]. Avec les capsules œsophagiennes de première génération, ces études ont démontré la faisabilité de la technique, son excellente tolérance (la capsule œsophagienne est toujours préférée à l’endos-copie conventionnelle par les patients) et la possibilité d’acquérir des images de bonne qualité parfaitement interprétables (Fig. 6). Cependant, la sensibilité de la capsule œsophagienne pour la recherche d’une suspicion d’EB0 est encore trop limitée de l’ordre de 60 à 70 % pour permettre de recommander cet examen pour le dépistage de l’ESEM (Tableau 1). Certaines études mathématiques suggèrent également que la stratégie basée sur l’exploration par capsule endoscopique serait moins coût/efficace que l’endoscopie conventionnelle, mais ces études ne prennent pas en compte la tolérance des examens. Le principal intérêt de l’examen par capsule est son excellente valeur prédictive négative, de l’ordre de 90 à 95 % établie dans toutes les études. La corrélation inter-observateur est moyenne (kappa à 0,59 dans notre expérience).
Tableau 1. Valeur diagnostique de la vidéocapsule endoscopique pour le dépistage de l’œsophage de Barrett | |||||
Nombre patients | Se | Spe | VPP | VPN | |
Lin [13] | 66 | 67 | 89 | 22 | 98 |
Sharma [14] | 41 | 67 | 87 | 60 | 90 |
Galmiche [15] | 89 | 60 | 100 | 100 | 95 |
Se : sensibilité (%) Spe : spécificité (%) VPP : valeur prédictive pos itive (%) VPN : valeur prédictive négative (%) |
Dans un avenir proche, l’amélioration de la procédure d’ingestion de la capsule [16], assurant une meilleure visualisation de l’œsophage distal, ainsi que le développement d’une nouvelle génération de capsules assurant une meilleure illumination de l’œsophage, avec une profondeur de champ accrue et une fréquence d’échantillonnage plus élevée, devraient permettre d’améliorer la performance diagnostique de l’endoscopie capsulaire œsophagienne. C’est indiscutablement une méthode pro-metteuse et qui mérite des études à large échelle pour le dépistage de l’ESEM. Cependant, une fois la suspicion de l’œsophage de Barrett établie, le recours à l’endoscopie pour des biopsies demeure indispensable.
Conclusion
La méthode diagnostique de base pour reconnaître et établir le diagnostic d’œsophage de Barrett demeure l’endoscopie associée à l’examen histologique. Sous réserve d’un examen soigneux, les endos copes actuels permettent en routine un diagnostic fiable. Il est indispensable que les gastroentérologues cliniciens utilisent la définition et la terminologie adéquates de la classification de Montréal. De même, l’extension des lésions mérite d’être précisée systématiquement à l’aide de l’outil très simple que représente le système de Prague. Mise à part la capsule endoscopique œsophagienne qui possède un fort intérêt potentiel pour le dépistage de l’ESEM, le diagnostic de l’œsophage de Barrett en lui-même n’exige le plus souvent ni coloration complémentaire, ni méthode endoscopique sophistiquée. Les nouvelles méthodes endoscopiques d’endomicroscopie confocale ont surtout pour objet le dépistage de la dysplasie et des lésions pré-cancéreuses, afin de remplacer les biopsies systématiques étagées par des biopsies ciblées, plus rentables et moins contraignantes.