Éradication endoscopique de l’œsophage de Barrett : mythe ou réalité ?
Département de Gastroentérologie, d’Hépato-pancréatologie et d’Oncologie digestive, Hôpital Erasme, Université Libre de Bruxelles, 808, route de Lennik, B-1070 Bruxelles, Belgique pierre.eisendrath@erasme.ulb.ac.be
Résumé
Le traitement par résection endoscopique d’une lésion néoplasique superficielle au sein d’un œsophage de Barrett est le nouveau standard de la prise en charge de cette pathologie. Elle permet d’orienter la stratégie thérapeutique ultérieure et en particulier d’éviter l’œsophagectomie en cas de lésion intramuqueuse de bon pronostic. Cependant, ce traitement local pose le problème de la métaplasie intestinale résiduelle porteuse d’un risque de développement de nouvelle lésion. La destruction endoscopique de l’ensemble de la métaplasie et son remplacement par un épithélium malpighien, permettraient une réduction du risque néoplasique et de la nécessité de suivi de ces patients. À ce jour, malgré de bons résultats immédiats, plusieurs techniques d’ablation ont été abandonnées après démonstration d’une importante fréquence de réapparition de la métaplasie et un taux élevé de complications. L’ablation de la métaplasie par radiofréquence est une technique endoscopique récente permettant la destruction de larges plages de Barrett. Les résultats de suivi à 1 ou 2 ans des patients traités par cette technique sont encourageants et nous permettent de croire à l’avenir d’un traitement endoscopique global du Barrett en dysplasie.
Introduction
L’incidence de l’adénocarcinome de l’œsophage est en augmentation croissante dans les populations occidentales [1]. Le rôle de lésion prémaligne joué par la métaplasie intestinale (MI) du basœsophage (œsophage de Barrett) est maintenant largement reconnu. Depuis une vingtaine d’années, le monde de l’endoscopie investigue les méthodes pouvant permettre une éradication complète et persistante de cette métaplasie afin de réduire, voire d’annuler le risque de développement d’adénocarcinome. Cet article présente une revue des techniques étudiées pour cette indication, et plus particulièrement pour l’éradication par radio-fréquence.
Il est actuellement admis que les lésions de dysplasie de haut grade et les adénocarcinomes superficiels (limités à la muqueuse), découverts au sein d’une MI du bas-œsophage, peuvent faire l’objet d’un traitement endoscopique, l’œsophagectomie étant réservée pour les lésions plus avancées [2,3]. Ce traitement repose actuellement sur la résection muqueuse endoscopique de ces lésions. La pièce de mucosectomie ainsi obtenue permet une meilleure stadification histologique de la lésion. Elle permet, entre autres, de définir avec plus de fiabilité la profondeur d’envahissement, le degré de différentiation et la présence d’envahissement vasculaire ou lymphatique [4]. La stratégie thérapeutique ultérieure sera dictée par le résultat de cette analyse histologique. L’œsophagectomie sera envisagée lors d’une atteinte de la sous-muqueuse, le taux d’envahissement ganglionnaire dépassant les 20 % pour une infiltration des couches profondes de celle-ci.
Pour des lésions plus superficielles, les résultats de plusieurs études cliniques ont conforté l’idée qu’après résection endoscopique en marge saine, un adénocarcinome muqueux, de bien à moyennement différencié et sans atteinte des vaisseaux, peut être suivi endoscopiquement sans requérir un traitement chirurgical complémentaire [5,6].
Cette attitude thérapeutique, basée sur un traitement endoscopique à faible risque de complication, est renforcée par la haute morbidité associée à l’alternative chirurgicale (29-57 %) [7-9]. De plus, la chirurgie de résection œsophagienne ne semble pas mettre complètement à l’abri les patients d’une récidive de Barrett [10,11].
L’œsophagectomie offre cependant le bénéfice d’une résection complète de la muqueuse de Barrett résiduelle, permettant ainsi la résection d’éventuelles zones de dysplasie non identifiées par l’endoscopie.
Malgré ce risque de lésions résiduelles, la survie calculée à 5 ans des patients atteints d’adénocarcinome muqueux et traités par résection endoscopique a été démontrée comparable à celle de la population générale. Cependant, ces résultats sont obtenus au prix d’un suivi strict et de la résection endoscopique de toutes les récidives [5]. De ce fait, une technique endoscopique qui offrirait une éradication complète de la métaplasie résiduelle, ainsi qu’une destruction des lés ions de dysplasie persistante, devrait permettre une réduction du risque de cancer métachrone et idéalement une réduction du besoin de suivi.
Éradication complète de la muqueuse de Barrett
Pour toutes les techniques d’éradication de la muqueuse de Barrett, le principe de traitement repose sur une destruction complète de la MI suivi d’une ré-épithélialisation spontanée du segment traité par une muqueuse malpighienne néoformée identique à la muqueuse malpighienne initiale [12]. Quelles que soient les techniques d’éradication étudiées, cette ré-épithélialisation est obtenue sous couvert d’une anacidité profonde, obtenue par l’administration de hautes doses d’inhibiteur des pompes à proton.
On reconnaît actuellement deux grands types de méthodes endoscopiques permettant l’éradication de la MI : les méthodes de destruction, ou d’ablation, et les méthodes de résection. Les premières utilisent un procédé physique permettant une destruction thermique (à hautes ou à basses températures) de la muqueuse glandulaire. Ont été successivement étudiés le laser, l’électrocoagulation bipolaire, la coagulation par Argon Plasma, la thérapie photodynamique, et plus récemment la radiofréquence et la cryothérapie. Quant aux secondes, elles utilisent les techniques de résection et de dissection muqueuse endoscopique développées essentiellement en Asie dans le cadre de néoplasie gastrique. Cette deuxième option étant abordée dans un autre article de ce présent numéro, elle ne sera pas détaillée.
Méthodes d’ablation de la MI
Très peu d’études comparatives ont été réalisées entre ces différentes méthodes. Pour une même méthode, des variations significatives existent en termes de technique, de mesure des résultats et de suivi. Idéalement, tout patient ayant subi une éradication endoscopique de MI devrait bénéficier d’un suivi régulier (par exemple tri à quadriannuel la première année et annuel pour les quatre années suivantes), à l’aide d’endoscope à haute résolution. Un examen attentif du segment traité devrait être complété d’une coloration au Lugol ou d’une chromoendoscopie électronique, afin de détecter toute zone de métaplasie résiduelle. Après examen et biopsie de toute anomalie, un protocole de biopsies 4 quadrants systématiques devrait être appliqué tous les 1 à 2 cm débutant à 5 mm sous la nouvelle jonction des muqueuses et remontant jusqu’en amont de l’ancienne limite.
cliniques reste faible (= 0,5 % par an) [13] rendant le risque de ces procédures souvent supérieur au bénéfice attendu et posant par ailleurs le problème de la taille de l’échantillonnage pour la démonstration d’un bénéfice sur le plan de la carcinogenèse. L’utilisation de ces traitements pour les patients présentant de la dysplasie de bas grade fait l’objet de plus de controverses. Deux types de techniques d’ablation peuvent être distinguées : les traitements par confluence et les traitements en bloc. Les premières, comme l’Argon plasma, le laser, la coagulation bipolaire et la cryoablation utilisent des sondes passées dans le canal opérateur de l’endoscope et détruisent la métaplasie sur une zone limitée. La répétition de multiples applications permet u ne destruction de l’ensemble du Barrett. Les secondes, comme la thérapie photodynamique et la radiofréquence entraînent en une application l’ablation circonférentielle d’une large zone de métaplasie.Dans cet article, nous nous polariserons sur les résultats obtenus pour le traitement de Barrett en dysplasie ou siège d’adénocarcinomes superficiels préalablement réséqués. Les différentes techniques préalablement évoquées ont été également étudiées pour l’éradication du Barrett non-dysplasique. Ces études ont four ni des résultats utiles pour l’évaluation de l’efficacité de ces techniques en termes d’éradication de la MI et en termes d’effets secondaires. Cependant, pour les patients sans dysplasie, la plu-part des auteurs s’accordent pour limiter l’utilisation de ces techniques d’éradication à des protocoles d’investigation. En effet, le risque de progression vers un cancer dans ces circonstances
La coagulation par Argon plasma
La coagulation par Argon plasma repose sur l’application, au niveau de la muqueuse, de gaz Argon ionisé permettant la création d’un courant de haute fréquence responsable de la dessiccation des tissus. L’Argon plasma est appliqué sur la muqueuse à l’aide d’un cathéter et de manière brève afin d’obtenir un coagulum blanchâtre. Selon les études, l’application sur la zone à traiter se fait de manière circonférentielle ou de manière verticale, elle peut être complète ou séquentielle afin de réduire le risque de complication. Le traitement par Argon plasma a été la méthode de destruction par confluence la plus étudiée pour la destruction de la MI.
Figure 1 : Sondes de radiofréquence HALO360 à monter sur guide et HALO90 fixée sur l’extrémité d’un gastroscope.
Quelques études portant sur l’utilisation de l’Argon Plasma dans le traitement du Barrett ont inclus des patients avec dysplasie [14-17]. On note cependant une grande variété dans la sélection des patients, les réglages techniques, la durée et les méthodes de suivi.
Si les suivis à court terme rapportaient des taux d’éradication de la MI entre 50 et 100 %, la réapparition de celle-ci a été observée dans plus de 60 % des cas.
Des complications sérieuses ont également été rapportées comme des perforations (jusqu’à 3,6 %), des sténoses (jusqu’à 15,4 %) et des saignements importants (jusqu’à 3,9 %).
Chez certains patients, de la MI a é té retrouvée sous le néo-épithélium malpighien après traitement par Argon. Cette métaplasie enfouie (« glandes enfouies ») se retrouve également chez des patients non traités, les segments de Barrett étant des zones dynamiques avec, par endroits, de la ré-épithélialisation malpighienne spontanée. Cependant, l’apparition d’adénocarcinomes après éradication complète du Barrett par Argon a été attribuée à la persistance de ces « glandes enfouies » [18,19]. Ces cas rap-portés questionnent la difficulté du suivi des patients et de l’obtention d’une destruction homogène de la MI. Dans le cas du traitement de larges zones de Barrett par Argon plasma, tant la profondeur de traitement que l’application en surface ne peuvent suffisamment être contrôlées, rendant l’obtention d’une destruction complète très aléatoire.
Les données limitées dans le groupe de patients présentant de la dysplasie de haut grade, le taux élevé de récidives de métaplasie à moyen terme et la crainte associée aux glandes enfouies ont mené à l’abandon de cette technique comme outil de première intention pour l’éradication du Barrett en dysplasie. Cependant, sa facilité d’usage et sa disponibilité dans de nombreux services d’endoscopie justifient encore son utilisation comme appoint dans l’éradication de petits îlots résiduels après traitement avec d’autres techniques.
Le Laser YAG et la coagulation bipolaire
Ces techniques reposent sur une destruction thermique de la muqueuse de Barrett soit par contact, comme dans la coagulation bipolaire, soit à distance comme dans l’utilisation du laser. Les études portant sur l’utilisation de ces techniques dans le cadre de Barrett en dysplasie de haut grade ou de carcinome intra-muqueux sont peu nombreuses. Le laser a été étudié surtout pour des lésions plus avancées. La coagulation bipolaire a été utilisée chez des patients avec MI sans dysplasie dans des séries de petites cohortes, ou avec des durées de suivi trop brèves. Ces études remontent à la fin des années 90. L’engouement pour ces techniques utilisant, comme l’Argon plasma, une destruction par confluence d’application, semble avoir disparu en raison des résultats décevants de l’éradication par coagulation à l’Argon. Contrairement aux lasers, aux coûts élevés et aux indications limitées , la coagulation bipolaire est encore accessible dans la plupart des départements d’endoscopie digestive et pourrait être considérée, comme l’Argon, pour le traitement de petites zones résiduelles de MI.
La cryoablation
La cryoablation de la muqueuse de Barrett, qui s’inspire des traitements similaires en dermatologie, consiste en l’application en spray d’azote liquide sur la surface à traiter, entraînant une destruction de la muqueuse par nécrose ischémique. Un cathéter passé à travers le canal opérateur de l’endoscope permet l’application de l’azote sur une surf ace plus large que lors de l’application de l’Argon plasma. Encore plus qu’avec l’Argon, l’administration d’un gaz comme médiateur de la destruction tissulaire pose le problème du risque d’hyperinflation de la lumière digestive et de barotraumatisme. De ce fait, le dispositif de cryothérapie doit être équipé d’un système de décompression, afin de réduire le risque de perforation.
Figure 2 : Schéma d’une séance de traitement par radiofréquence: l’électrode circulaire HALO360 est positionnée adéquatement à hauteur de la métaplasie intestinale (Fig. 2a) ; le ballon est déployé et permet la délivrance de l’énergie de radiofréquence au niveau de la muqueuse (Fig. 2b) ; l’électrode est repositionnée en aval si une autre application est encore nécessaire afin de traiter l’entièreté du Barrett (Fig. 2c).
Les résultats cliniques de la cryothérapie pour la destruction du Barrett sont à ce jour encore très limités. Récemment, Dumot et al. ont rapporté leur expérience du traitement par cryoablation d’une cohorte de 31 patients présentant de la dysplasie de haut grade [26] ou du carcinome intramuqueux [5] développé sur MI [20]. Il s’agit d’un groupe hétérogène de patients, certains d’entre eux ayant déjà bénéficié d’autres tentatives d’ablation ou de mucosectomie. Le but de l’étude portait essentiellement sur l’éradication complète de la dysplasie et non sur la destruction de la métaplasie, même si le traitement d’ablation était étendu à toute la surface de Barrett. En moyenne, 5 séances de traitement sont nécessaires à l’ablation complète de la métaplasie. Après un suivi médian de 12 mois, une éradication complète de la dysplasie sévère et des carcinomes intramuqueux a pu être observée dans 60 % des cas. Dans cette première étude, seulement 3 % des patients ne présentaient plus de métaplasie en fin de suivi. Une dilatation de sténose post cryoablation a été nécessaire chez 10 % des patients.
Dans l‘attente d’autres résultats, il est évidemment trop tôt pour déterminer le rôle que pourrait jouer la cryothérapie dans le traitement de l’œsophage de Barrett. La technique spray pourrait présenter un avantage sur les techniques nécessitant un contact avec la muqueuse, comme la radiofréquence, en particulier pour la zone tortueuse que peut représenter le cardia. Néanmoins, même si la zone de traitement lors d’une application est plus large que pour l’Argon plasma, il s’agira toujours de multiples applications confluentes, beaucoup plus à risque de permettre la survie d’îlots de métaplasie résiduels.
La thérapie photodynamique
Le traitement par thérapie photodynamique nécessite l’application d’une lumière de longueur d’onde spécifique au niveau d’un tissu avide dans l’absorption d’un photosensibilisateur préalablement administré. Sous l’effet de la lumière, le produit activé interagit avec les molécules d’oxygène conduisant à la création de radicaux libres responsables de la destruction tissulaire. Dans le cas de l’éradication du Barrett, des études ont été réalisées avec des photosensibilisateurs oraux comme l’acide 5-aminole-vulinique (ALA) et avec des drogues intraveineuses comme le porfimère sodique, seul autorisé en Amérique du Nord. La lumière de longueur d’onde spécifique est produite par laser et appliquée à l’aide d’une fibre, passée dans le canal opérateur de l’endoscope, parfois stabilisée au sein de la lumière œsophagienne par un ballon.
Les études prospectives portant sur l’éradication du Barrett avec dysplasie sont peu nombreuses et il semble que les résultats obtenus avec l’acide 5-aminolevulinique [21-23] ne soient pas exactement comparables avec le porfimère sodique [24]. Des taux d’éradication complets de la dysplasie sont rapportés dans
75 à 100 % des cas mais, au terme du suivi, l’éradication complète de la métaplasie n’est seulement que de 30 à 50 %. De plus, une étude d’analyse histologique pré et post thérapie photo-dynamique suggère une augmentation du nombre de glandes enfouies après traitement [25]. Des sténoses significatives ont été également rapportées dans 20 à 30 % des cas, particulièrement avec l’utilisation de la drogue intraveineuse. Les photosensibilisants sont également responsables d’une photosensibilité cutanée imposant aux patients une éviction à l’exposition solaire jusqu’à 6 semaines après leur traitement. Enfin, outre ces effets secondaires, le coût des lasers biomédicaux, à l’achat et à l’entretien, et le nombre très limité d’autres indications au sein d’un département d’endoscopie rendent actuellement cette technique peu attrayante comme projet d’investissement.
La radiofréquence
La destruction de la MI par radiofréquence est une méthode récente basée sur l’utilisation d’électrodes bipolaires mises au contact de la zone à traiter. Une énergie de radiofréquence est délivrée au niveau de l’électrode par un générateur. Le système HALO, seul système actuellement disponible pour ce traitement, propose deux types d’électrodes : HALO360 et HALO90. La première est une électrode circulaire de 30 mm de haut générale-ment utilisée en première intent ion pour une éradicat ion circonférentielle. Elle se présente montée sur un ballon qui est proposé en différents calibres. Le choix du calibre dépend d’une mesure préalable du diamètre minimal de la lumière œsophagienne par ballon de calibration.
L’électrode est insérée sur un fil guide au niveau de la zone à traiter. La seconde électrode, HALO90, est généralement utilisée en deuxième intention, lors d’une séance ultérieure, pour la destruction de plages de Barrett résiduelles. Elle se présente sous la forme d’un rectangle de 20 x 13 mm fixé sur l’extrémité d’un endoscope et appliqué contre les zones à traiter grâce à l’inclinaison de ce dernier. La délivrance de l’énergie par le générateur est déclenchée par l’opérateur grâce à une pédale. Plusieurs études de dosimétries préalables à l’application en clinique ont permis de déterminer le réglage adéquat des générateurs pour l’obtention d’une énergie de radiofréquence qui permet une destruction homogène de la muqueuse sur environ 1 mm de profondeur.
Figure 3 : Situation pré et post traitement dans trois situations d’ablation de Barrett par radiofréquence : réépithélialisation complète de la MI.
Un traitement d’éradication de Barrett par radiofréquence comprend typiquement une première séance de traitement par HALO360, suivi d’une ou deux séances de traitement focale par HALO90 afin d’obtenir une éradication histologique complète de la MI. Un délai de 6 à 8 semaines est respecté entre les séances de traitement. Les traitements peuvent êtres réalisés en ambulatoire sous simple sédation.
La destruction par radiofréquence de la MI en dysplasie a été étudiée chez des patients après résection de dysplasie de haut grade ou de carcinome superficiel de bon pronostic, chez des patients ne présentant que de la dysplasie de haut grade sans lésion, chez des patients avec dysplasie de bas grade et chez des patients sans dysplasie.
Une récente publication de Shaheen et al. apporte des informations importantes en termes de capacité d’éradication de la dysplasie et de la réduction du risque de cancérisation par l’application de radiofréquence [26]. Cette étude prospective multicentrique a inclus et randomisé 127 patients présentant de la dysplasie de bas grade (64) et de haut grade (63). Deux tiers des patients ont été inclus dans le bras RF, les autres étant exposés à un traitement factice. À un 1 an de suivi, en intention de traite-ment, l’éradication complète de la dysplasie a été obtenue pour le groupe bas grade et haut grade respectivement dans 90,5 % et 81 % dans le bras radiofréquence contre 22,7 % et 19 % dans le bras contrôle. L’éradication complète de la MI a été obtenue dans 77,4 % des cas traités contre 2,3 % pour le groupe contrôle. Dans ce groupe non traité, 9,3 % des patients ont évolué vers une cancérisation contre 1,2 % dans le groupe radiofréquence. Ces résultats d’éradication rejoignent les résultats des autres séries publiées rapportant des taux de destruction complète de la métaplasie en fin de suivi chez 54 à 100 % des patients [27-34] (Tableau 1).
Le taux de complication de cette technique semble également encourageant en comparaison aux autres techniques d’ablation. Les sténoses sont r ares (0 à 9 %) et aisément traitées par 1 à 3 séances de dilatation. L’absence d’atteinte de la sous-muqueuse par la radiofréquence limite probablement la réaction fibrotique cicatricielle, réduisant ainsi le risque de sténos e. Certaines équipes suggèrent que leur survenue est associée à la longueur du segment de Barrett à traiter [35] et à l’étendue des résections muqueuses antérieures [33]. Les patients se plaignent fréquemment d’une gêne thoracique ou pharyngée et de dysphagie ou d’odynophagie peu sévères. Ces symptômes sont très transitoires et aisément contrôlés par l’administration de suspension à base d’anesthésique topique et d’antidouleur.
Enfin, des analyses fonctionnelles et des études de prélèvements histologiques post traitement démontrent une motilité et une compliance œsophagienne identiques à la situation prétraitement, ainsi que la disparition de toute anomalie oncogénique au niveau de la paroi [36,37].
Cette technique est cependant encore jeune. Des résultats avec plus long suivi en termes d’éradication de la MI et en termes de sécurité sont évidemment attendus afin de juger de son avenir dans l’arsenal thérapeutique contre le Barrett. La radiofréquence œsophagienne reste également coûteuse et nécessite l’utilisation de sondes de différents modèles, ainsi que l’investissement de deux types de générateurs. À ce titre, la place d u système HALO90reste actuellement encore débattue. Les îlots résiduels de Barrett pourraient être traités par l’application d’Argon pour une efficacité sans doute similaire et à moindre coût. Le traite-ment par HALO90pourrait cependant s’avérer plus fondamental dans le traitement de certaines jonctions œsogastriques où l’aspect tortueux de la lumière œsophagienne rend parfois l’utili-sation de la sonde circulaire HALO360 plus difficile pour l’obtention d’une éradication complète. C’est à ce type de questions que les futurs protocoles de recherches devront dorénavant répondre.
Conclusion
Le risque de nouvelles lésions de dysplasie au sein d’un Barrett déjà traité pour foyer de dysplasie de haut grade, ou pour adéno-carcinome superficiel, justifie le principe d’une éradication de la muqueuse résiduelle. De multiples procédés endoscopiques d’ablation ont démontré leur efficacité en termes de résultat immédiat pour l’éradication de cette muqueuse. Cependant, la plupart de ces méthodes ont été abandonnées devant des résultats décevants concernant l’éradication complète à moyen terme, et devant des taux de complications importants. Actuellement, outre les méthodes de résection muqueuse abordées dans un autre chapitre de ce numéro, seule la radiofréquence apporte un réel espoir de succès pour l’obtention d’une éradication complète et soutenue du Barrett. L’éradication complète du Barrett n’est donc pas encore à reléguer parmi les mythes de l’endoscopie. Les résultats à long terme de la radiofréquence que nous apporteront les études à venir seront donc fondamentaux pour décider s’il s’agit d’un nouveau standard.