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13 octobre 2011
Digestif
Emmanuel Mitry, Côme Lepage, René Lambert

Épidémiologie du cancer gastrique et rôle d’Helicobacter pylori

Epidemiology of gastric cancers and the role of Helicobacter pylori

 

Emmanuel Mitry1, Côme Lepage2, René Lambert3
1. Institut Curie – Hôpital Huguenin, 35, rue Dailly, F-92210 Saint-Cloud
2. Inserm CRI 866, 7, boulevard Jeanne d’Arc, F-21079 Dijon
3. Screening group, I.A.R.C., 150, cours Albert Thomas, F-69372 Lyon
emmanuel.mitry@curie.net; come.lepage@u-bourgogne.fr; lambert@iarc.fr

 

Résumé

Le risque de cancer de l’estomac est associé à la présence d’une gastrite chronique atrophique avec achlorhydrie, généralement associée à une infection par une bactérie commensale, l’Helicobacter pylori (H. pylori). Ce facteur de risque est au centre de l’étude du rôle du milieu environnant et des habitudes alimentaires.

Mots-clés : Épidémiologie, Cancer gastrique, Gastrite chronique, Helicobacter pylori

Abstract

The development of gastric cancer is linked to the presence of atrophic chronic gastritis, usually caused by a local infection by Helicobacter pylori (H. pylori) which is a commensal bacteria. This factor of risk is central to the analysis of the role played by the style of life including environmental factors and food habits.

Keywords:Epidemiology, Gastric cancer, Chronic gastritis, Helicobacter pylori

 

Épidémiologie générale

L’adénocarcinome gastrique s’inscrit au 4e rang de fréquence des sites de cancer dans le monde ; les localisations les plus fréquentes sont le poumon, le côlon et le sein.

Selon la base de données GLOBOCAN 2008, établie par I.A.R.C. [1], le nombre global de cancers gastriques incidents en 2008 était, pour les 2 sexes, estimé à 988600, soit 7,8%de tous les cancers incidents ; le nombre de décès par cancer gastrique pendant cette même année était de 737400.

Le risque est presque 2 fois plus élevé chez l’homme que chez la femme, dans tous les pays.

La comparaison du nombre annuel des cas incidents et des décès montre que le pronostic du cancer gastrique est bien plus mauvais que celui du cancer colorectal. En 2008, il y a eu, en France, 6 646 cas incidents de cancer gastrique, soit 1,9 % de tous les cancers, et 4575 décès par cancer gastrique. À titre de comparaison, il y eut, pendant cette même année en Chine, 464400 cas incidents de cancer gastrique, soit 16,4 % de tous les cancers et 352 300 décès par cancer gastrique. Au Japon, dans 8 registres de cancer pendant la période 1985-89, le cancer gastrique représentait 31 % de tous les cancers chez l’homme et 22 % chez la femme.

Dans 80 % des cas, le cancer est situé dans l’estomac distal, dans le fundus ou l’antre. Il est alors lié à la gastrite atrophique et à l’infection par H. pylori. Au niveau de la jonction oesophagogastrique, il peut y avoir confusion entre le cancer développé sur la partie proximale de l’estomac, le cardia et le cancer de la partie distale de l’oesophage de Barrett. Ce cancer gastrique proximal est moins fréquent que le cancer distal (20 % des cas) et n’est pas corrélé à la gastrite atrophique, ni à l’infection par H. pylori.

 

Gastrite chronique atrophique et cancérogenèse

La cancérogenèse gastrique suit habituellement la séquence décrite par Correa [2] : gastrite chronique atrophique, métaplasie intestinale, dysplasie. L’élévation du pH dans la lumière gastrique entraîne une transformation des ions nitrites (NO2) en radicaux NO sous l’influence de la nitrite-oxyde-synthétase (i-NOS).

La réaction de nitrosation qui entraîne la formation de carcinogènes intraluminaux est inhibée par les antioxydants comme l’acide ascorbique. Parmi les transformations qui conduisent d’une lésion inflammatoire avec métaplasie intestinale au précancer puis au cancer, citons l’altération d’oncogènes comme le K-ras, l’altération de gènes suppresseurs ou régulateurs [APC, TP53, gène de la transcription de l’E-cadhérine situé en 16q, et missmatch repair genes (hMLH1)].

Les lésions néoplasiques précancéreuses se développent sur une muqueuse gastrique modifiée par l’inflammation chronique et l’atrophie. Dans l’estomac, 95 % des lésions néoplasiques, adénomes ou cancer au stade dit « superficiel » (pas d’invasion au-delà de la sous-muqueuse) ont une morphologie non polypoïde du type 0-II dans la classification de Paris [3] ; elles peuvent être planes (type 0-IIb) ou déprimées (type 0IIc). Les adénomes polypoïdes sont rares et ne représentent que 10 % des polypes gastriques dont la très grande majorité n’est pas néoplasique (polypes cystiques, polypes hyperplasiques, polypes hamartomateux dans le syndrome de Peutz-Jeghers). La classification histologique des lésions néoplasiques dans la séquence adénome-adénocarcinome à longtemps été discutée. Les lésions intramuqueuses avec atypie cellulaire majeure, mais sans invasion de la lamina propria étaient appelées et classées « cancer intramuqueux » au Japon et « dysplasie de haut grade » dans les pays occidentaux. Depuis plus de 10 ans, l’adoption généralisée de la classification de Consensus à Vienne pour les tumeurs oesophago-gastriques [4] et coliques a réglé ce problème car les lésions intramuqueuses de haut grade, sans atteinte de la sous-muqueuse, sont classées dans la même catégorie, qu’il y ait, ou non, invasion de la lamina propria.

Dans les registres, le cancer gastrique est classé au stade « localisé » s’il est superficiel ou ne dépasse pas l’épaisseur de la paroi gastrique. Le stade est appelé « régional » s’il y a envahissement des organes voisins ou des ganglions lymphatiques voisins. Enfin, le stade est appelé « distant » s’il y a des métastases ou des ganglions envahis à distance de la tumeur primitive.

Le cancer gastrique confirmé est classé sur le plan histologique en catégories tubulaire, papillaire, mucineuse ou avec cellules en bague à chaton. La classification de Lauren est souvent utilisée ; elle oppose le cancer bien différencié, appelé « type intestinal », lié à la gastrite atrophique chronique et le cancer peu différencié, appelé « type diffus », sans relation avec la gastrite chronique.

 

Risque de cancer gastrique et facteurs environnants

L’incidence peut être exprimée en un taux brut pour 100 000 personnes de la population considérée. Cependant, la comparaison du risque encouru par les personnes entre 2 pays différents (variations géographiques du risque) ou en fonction du temps, tout au long d’une période (variations temporelles), est entachée d’erreurs liées aux variations dans la distribution des tranches d’âge entre pays ou en fonction du temps. En effet, le risque de cancer gastrique augmente rapidement avec l’âge à partir de 50 ans et l’âge médian de survenue est de 72 ans pour les hommes et de 77 ans pour les femmes. Les comparaisons se font donc toutes à partir du taux d’incidence standardisé sur l’âge (ASR incidence rate) pour 100 000 personnes. La référence utilisée pour obtenir ce taux est celle des tranches d’âge de la population dans une année précise s’il s’agit d’un seul pays comme pour les États-Unis [5] ou bien dans la liste de « cancer Incidence in V continents » [6] la population mondiale en 1960 avec ses tranches d’âge.

Les disparités géographiques de l’incidence sont liées au style de vie et aux facteurs environnants que sont la contamination orale par H. pylori favorisée par la proximité des personnes dans les familles et les habitudes alimentaires : une alimentation riche en conserves et en aliments salés (comme le poisson sec) et pauvre en fruits et en légumes réduit la teneur en antioxydants et favorise le développement d’agents carcinogènes intraluminaux.

Ces facteurs interviennent dans l’enfance comme l’a montré le suivi de générations japonaises issues de Hawaï aux États-Unis : la première génération des migrants conserve un risque élevé, ce qui suggère que le risque est acquis dans l’enfance ; d’ailleurs, cette élévation s’efface dès la 2e génération née aux États-Unis. Le risque de cancer gastrique est particulièrement élevé en Asie de l’Est (Chine, Japon). Il est bien plus faible en Amérique du Nord, en Afrique et dans les pays de l’Europe du Nord. En Europe, le risque est un peu plus élevé dans les pays situés à l’Est.

L’incidence du cancer gastrique est cependant très élevée dans un pays de l’Europe de l’Ouest, le Portugal. L’élévation du risque dans ce pays, accompagnée d’une prévalence élevée de l’infection par H. pylori, s’explique surtout par les habitudes alimentaires et la consommation de morue séchée et salée.

 

Variations temporelles du risque de cancer gastrique

Au cours des 50 dernières années, la fréquence des cancers de l’estomac a diminué de façon importante avec, notamment, une réduction du taux d’incidence de plus de 30 % ces 20 dernières années, associée à une réduction de la mortalité.

Au Japon, durant la période 1963-89, le taux standardisé sur l’âge de l’incidence a décru de 47 % chez l’homme et 43 % chez la femme. Cette décroissance est moins visible sur le taux brut d’incidence car, pendant cette période, les tranches d’âge élevé ont été plus nombreuses dans la population. La variation est liée aux modifications des habitudes alimentaires et du style de vie qui ont eu un impact pendant les décennies précédentes.

En France, l’incidence du cancer gastrique distal a diminué de 30% entre 1980 et 2005 avec un rythme annuel de décroissance voisin de 2,5 % [7]. Les variations temporelles de l’incidence s’appliquent au cancer gastrique distal, le plus fréquent. En contraste, l’incidence du cancer proximal au cardia ne diminue pas.

Mortalité par cancer de l’estomac : elle a diminué en France comme dans tous les pays développés au cours des vingt dernières années [7] ; la disparité de la survie à long terme observée entre les pays d’Europe est liée surtout aux différences de mortalité opératoire [8]. La mortalité liée à un cancer dans un pays dépend de l’incidence et de la prise en charge du traitement lorsque le cancer est détecté. La mortalité peut être exprimée en un taux brut pour 100 000 personnes de la population considérée.

Cependant, pour les comparaisons entre régions géographiques et les comparaisons de l’évolution du risque dans le temps, il faut utiliser, comme pour l’incidence, un taux standardisé sur l’âge : «ASR mortality rate» pour 100 000 personnes de la population mondiale de référence.

Taux de Survie – 5 ans : il représente un autre paramètre, indépendant de l’incidence, permettant de mesurer les progrès faits dans la détection précoce et le traitement de la maladie. Il est calculé par rapport au moment où le cancer a été détecté et inclus dans un registre de cancer. L’étude de la survie est possible à partir des registres qui ont un suivi de tous les cas inclus. Le taux de survie est exprimé comme un taux de « survie relative » à 5 ans ; ce taux est calculé par comparaison avec les capacités de survie d’une population de personnes d’âge comparable n’ayant pas de cancer gastrique. Le taux de survie -5 ans du cancer de l’estomac dans les pays occidentaux ne dépasse pas 25 % ; il est bien plus élevé au Japon, voisin de 50 %, car la détection endoscopique du cancer y est bien plus précoce et il y a une politique de dépistage généralisé.

 

Le cancer gastrique familial

Environ 10 % des malades ont des antécédents familiaux de cancer gastrique. Ce cancer gastrique familial est indépendant des facteurs environnants et de la présence d’une gastrique chronique atrophique et de l’infection par H. pylori [9]. Le cancer gastrique familial est lié à la transmission d’un facteur génétique avec comme principales formes de prédisposition génétique :

  • le syndrome de Lynch [10] ;
  • le syndrome de Peutz-Jeghers ;
  • et le cancer gastrique diffus.

Ce dernier a été d’abord décrit chez les populations de Nouvelle-Zélande où il est plus fréquent, mais peut s’observer dans tous les pays [11] ; il s’agit d’une mutation germinale de l’anti-oncogène CDH1  avec perte de fonction de la protéine E-cadhérine. Le mode de transmission de cette mutation est autosomique dominant [11]. Le diagnostic doit être évoqué lorsqu’il existe dans une famille au moins 2 cas de cancer gastrique de type diffus chez des apparentés au premier ou au deuxième degré, dont un cas diagnostiqué avant 50 ans, ou bien 3 cas chez des apparentés de premier ou deuxième degré quel que soit l’âge. Une prise en charge particulière est nécessaire, avec consultation d’oncogénétique afin de mettre en place une surveillance adaptée pour le patient et ses apparentés à risque élevé (voir le chapitre dédié aux formes familiales et héréditaires de cancer gastrique dans ce numéro).

 

Gastrite atrophique et infection par Helicobacter pylori

La muqueuse gastrique normale est exposée à un pH acide ; s’il y a une gastrite chronique atrophique, le pH endoluminal de l’estomac devient neutre. La cause habituelle de l’atrophie de la muqueuse gastrique est l’infection par Helicobacter pylori ; celle-ci est associée au risque de cancer gastrique distal, le plus fréquent. La gastrite chronique atrophique de la maladie de Biermer est associée à un risque accru de cancer gastrique, mais n’est responsable que d’une très faible proportion des cancers gastriques. Les patients opérés d’une gastrectomie pour ulcère, auraient un risque accru de cancer gastrique [12]. Le rôle de l’infection par H. pylori a aussi été étudié dans le reflux oesophagien et l’oesophagite [13,14].

La prévalence de l’infection par H. pylori dans l’espèce humaine est estimée à 74 % dans les pays en développement et à 58 % dans les pays développés ; à l’échelle mondiale, le cancer de l’estomac est le plus fréquent des cancers associés à une infection, légèrement devant les cancers liés au virus HPV [15].

L’infection par H. pylori et la gastrite chronique atrophique ne sont pas associées au risque de cancer gastrique proximal, localisé au cardia [16]. Plusieurs études, d’abord rétrospectives puis prospectives, ont montré une augmentation significative du risque de cancer gastrique chez les personnes infectées par cette bactérie [16-21]. Bien entendu, toutes les infections à H. pylori ne conduisent pas à un cancer de l’estomac. Sur 100 personnes ayant une gastrite chronique active avec cette infection bactérienne, une seule évoluera vers un cancer gastrique selon la séquence définie par Correa [2]. Une étude suédoise a montré un risque relatif à 21 chez les patients infectés par H. pylori [21]. Une méta-analyse suggère que le risque relatif de cancer gastrique non cardial est de 5,9 chez les patients infectés par cette bactérie [16]. Les patients infectés auraient 2,3 fois plus de risques s’ils sont fumeurs que s’ils ne le sont pas [18]. Le cycle de l’infection humaine passe par la contamination dans l’enfance, une possible séroconversion après l’éradication de la bactérie et une possible ré-infestation.

Les expériences animales montrent que l’inoculation des souches bactériennes agressives peut induire la métaplasie intestinale et le cancer gastrique chez les gerbilles de Mongolie [22]. L’OMS a classé H. pylori comme agent carcinogène en 1994 [23] ; en outre, des carcinogènes sont générés dans la lumière gastrique lorsque le pH n’est plus acide en raison de la gastrite chronique. Le séquençage de l’ADN de la bactérie a été complètement réalisé [24] et certaines souches sont plus oncogènes en raison du polymorphisme génétique sur la région cagA [25,26] qui permet une implantation plus directe de la bactérie dans les cellules gastriques. Les protéines cagA et vacA injectées dans les cellules par la bactérie génèrent inflammation et vacuolisation, source de gastrite atrophique. Les multiples variants du génotype de la bactérie expliquent son adaptation à différentes populations humaines car H. pylori exprime les mêmes antigènes de surface que les cellules de l’hôte.

 

Environnement et infection par Helicobacter pylori [27-32]

Pour le cancer de l’estomac de localisation distale, la consommation d’alcool n’est pas un facteur de risque important [29] alors que, chez l’homme comme chez la femme, le tabac est un facteur de risque évident [31,32].

En revanche, l’obésité est un facteur de risque établi des adénocarcinomes du cardia, sans doute car, dans ce cas, le reflux gastro-oesophagien est plus fréquent.

Les études cohortes conduites au Japon ont montré que la gastrite chronique atrophique est moins fréquente chez les personnes qui ont réduit leur apport en aliments salés alors que la consommation régulière de fruits et de légumes antioxydants diminue le risque de 40 % et, ceci, indépendamment de la consommation de sel [30]. Une faible consommation de produits frais est donc un facteur de risque, expliqué par le fait que les antioxydants [28, 30] présents dans les fruits et légumes frais préviennent la formation intraluminale de carcinogènes. La consommation importante de fruits et de légumes frais apporte des antioxydants comme le bétacarotène, l’alpha-tocophérol (vitamine E), l’acide ascorbique (vitamine C) ; cet effet protecteur est observé dans les populations d’Asie à risque élevé pour le cancer gastrique [33,34] mais n’est pas confirmé dans les études conduites dans les pays occidentaux [35,36].

Tous ces facteurs environnementaux expliquent que, dans les pays développés, le cancer gastrique soit plus fréquent chez les personnes qui ont un faible niveau socioéconomique. La diminution du risque de cancer de l’estomac observée au cours des dernières années s’explique, en grande partie, par la disparition progressive de l’utilisation du sel dans les procédés de conservation des aliments avec le développement des réfrigérateurs et l’augmentation de consommation de légumes et de fruits qui sont maintenant disponibles tout au long de l’année.

 

Prévention du risque de cancer gastrique

La diminution de mortalité par cancer gastrique dépend de sa prévention primaire par intervention sur les facteurs environnants et sur le dépistage au stade précoce, curable.

Le style de vie occidental généralement adopté dans le monde entier par les jeunes générations comporte des modifications du régime alimentaire et un contrôle de l’hygiène expliquant la réduction de l’infection par H. pylori et la diminution corrélative du risque de cancer gastrique. Ce changement est particulièrement net au Japon où les nourritures salées et pimentées sont plus réduites tandis que la consommation de fruits et de légumes augmente.

Les études de chimioprévention par la seule administration d’antioxydants n’ont pas donné de résultats démonstratifs en Colombie et au Venezuela car les modifications du style de vie sont plus complexes [37].

L’éradication d’H. pylori par un traitement antibiotique implique l’identification préalable des sujets infectés et le rapport coût/efficacité est peu favorable. Deux vaccins contre H. pylori ont été proposés toutefois sans étude du rapport coût/efficacité d’une telle intervention.

Le dépistage organisé, ou dépistage de masse, du cancer de l’estomac chez des personnes asymptomatiques a, pour objectif, la détection au stade précoce, curable [38,39] ; il peut être adopté par les autorités de santé de pays où le risque est élevé. Au Japon, ce dépistage a commencé en 1963 en utilisant, comme test de sélection des personnes pour la gastroscopie, une gastro-photofluorographie avec 7 petits films. Les études cohortes et les essais randomisés ont confirmé une réduction du risque de cancer chez les personnes compliantes au test. Plus récemment, le test du pepsinogène relié à l’atteinte inflammatoire de la muqueuse gastrique a été proposé comme test de sélection des personnes à risque avec le choix entre 2 paramètres : le niveau élevé du Pg1 avec 3 seuils différents de spécificité (30, 50, 70 ng/l) et le rapport Pg1/Pg2 inférieur à 3.

Le dépistage individuel ou opportuniste est la détection, chez des personnes asymptomatiques, d’un cancer précoce au stade curable (early gastric cancer) ou d’une lésion néoplasique précancéreuse.

 

L’endoscopie est alors l’examen primaire de la détection.

Le dépistage organisé et le dépistage opportuniste ont un impact complémentaire sur la prévention du cancer gastrique ; les limites au dépistage organisé sont dans la compliance des personnes aux examens proposés, mais il a le mérite d’attirer l’attention sur le risque de cancer en stimulant le dépistage opportuniste. Au Japon, les tests organisés basés sur la population ne détectent qu’une faible fraction des cancers incidents. Ceux-ci sont détectés par le dépistage opportuniste, soit à titre individuel, soit dans des groupes affiliés à une assurance, à un hôpital, à une entreprise. La recherche systématique précoce du cancer gastrique explique que la proportion de cancers gastriques détectée au stade localisé soit 2 fois plus élevée qu’aux États-Unis ou qu’en Europe et que la survie relative à 5 ans du cancer gastrique soit plus élevée au Japon atteignant 58 % pour la période 1993-96 dans une étude portant sur 7 registres du cancer dans ce pays.

 

Conclusion

Il y a encore un nombre élevé de cancers gastriques dans les tranches d’âge élevé des populations des pays à risque élevé, mais les modifications du style de vie réduisent nettement le risque pour les générations les plus jeunes. Un programme actif de prévention défendu par les autorités de Santé est justifié dans les pays où le risque est élevé. Il est logique de mettre au premier plan la prévention primaire en insistant sur le style de vie ; mais un débat persiste sur l’approche, soit par les modifications diététiques, soit par l’éradication d’H. pylori. Au Japon, la stratégie de prévention secondaire est maintenue et repose sur le dépistage organisé dans la population, en substituant progressivement pour le test de sélection, le dosage du pepsinogène à la gastroradiofluorographie et en retardant l’âge de début du dépistage (50 ans au lieu de 40 ans). Dans les pays occidentaux, une stratégie de dépistage organisé n’est pas justifiée ; en revanche, il faut accroître la qualité de l’endoscopie appliquée au dépistage opportuniste ; celle-ci est encore aujourd’hui inférieure à ce qui est observé au Japon.