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11 juillet 2012
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Carcinome hépatocellulaire : comment sortir du sorafenib monothérapie?

L’utilisation concomitante de la TACE et du sorafenib en cas de CHC reste une voie exploratoire avec des résultats initiaux plutôt décevants


Phase II Trial of Sorafenib Combined With Concurrent Transarterial Chemoembolization With Drug-Eluting Beads for Hepatocellular Carcinoma.
Pawlik TM, Reyes DK, Cosgrove D, Kamel IR, Bhagat N, Geschwind JF. J Clin Oncol. 2011 Oct 20;29(30):3960-7.

 

Le carcinome hépatocellulaire (CHC) est la cinquième cause de cancer dans le monde. Le traitement curatif est chirurgical (résection, transplantation) mais beaucoup de patients ont lors du diagnostic,une maladie avancée et ne peuvent en bénéficier. La survie   est  alors mauvaise, 29% à 1 an et 8% à 3 ans. Le sorafenib (Nexavar®) est une biothérapie anti-angiogénique qui cible les VEGFR, et  PDGFR et qui bloque la prolifération cellulaire via la voie des MAPK. Depuis la publication de l’étude SHARP (1) qui montrait une amélioration de la survie globale de 10,7 mois versus 7,9 mois dans le bras sorafenib par rapport au bras placebo, c’est le traitement de référence pour les CHC avancés et inopérables, non accessibles aux traitements de destruction locale où à la chimioembolisation trans-artérielle.

 

La chimio-lipiodo-embolisation (CLE ou TACE) est indiquée pour les CHC avancés sans maladie extra-hépatique  ni thrombose porte et peut augmenter la survie chez des patients sélectionnés (2). Plus récemment la chimioembolisation par microsphères chargées en doxorubicine (DEB-TACE pour Drug-Eluting-Bead TACE) est apparue et permettrait une ischémie tumorale plus importante et une libération locale prolongée de la drogue cytolytique avec un passage systémique réduit par rapport à la TACE conventionnelle. Le problème principal de la TACE est le taux important de récidive qui pourrait être du à un taux plasmatique élevé de VEGF après chimioembolisation. Il paraît ainsi intéressant de combiner une thérapie ciblée anti-angiogénique à la chimioembolisation pour en augmenter l’efficacité et limiter les rechutes.

 

Cette étude rapporte les résultats d’un essai prospectif de phase II qui évalue la tolérance et l’efficacité du sorafenib (Nexavar®) combiné à la DEB-TACE chez les patients atteints d’un CHC non résécable (3). L’objectif principal était la toxicité et les objectifs secondaires la réponse objective et le taux de contrôle de la maladie.

 

Patients et méthodes

 

Les patients éligibles avaient un CHC histologiquement prouvé ou répondant aux critères de Barcelone, en bon état général (OMS 0 ou 1), Child Pugh A ou B. Etaient exclus les tumeurs avec un envahissement hépatique de plus de 70%, les patients avec maladie extrahépatique, l’existence d’une thrombose porte, ou une HTA non contrôlée. Les patients étaient naïfs de traitement local (TACE, radiothérapie) ou systémique en dehors d’un traitement par sorafenib de moins de 3 mois.

 

Les patients recevaient des cycles de 6 semaines d’un traitement comprenant du sorafenib à la dose de 400 mg deux fois par jour débuté une semaine avant la DEB-TACE et reçu de façon continu. La DEB-TACE était réalisée à la semaine 2 avec une dose maximale de Doxorubicine de 100 mg par procédure. L’efficacité était évaluée selon les critères RECIST (mesure unidimensionnelle de la taille tumorale et les critères EASL (combinant la mesure de l’aire tumorale et l’importance du rehaussement après injection de produit de contraste).

 

Résultats

 

  • L’étude a inclu 35 patients, 74% d’hommes, et 89% de patients child A. Ils ont reçu 128 cycles de traitement, dont 60 cycles de traitement combiné (DEB-TACE et sorafenib). Le nombre médian de cycles par patient était de 2 et le nombre médian de jours de sorafenib reçu était de 71.
  • Durant la semaine 1 du cycle 1, les toxicités les plus fréquentes étaient la fatigue (50%), le syndrome main-pied (30%), le rash cutané (20%). Ces toxicités étaient le plus souvent de grade 1 (92%) et de grade 3-4 dans 8% des cas. Durant le premier cycle (traitement combiné), 30 des 33 patients présentèrent une toxicité grade 3-4 dont une asthénie de grade 3-4 dans 36% des cas, une élévation des ALAT (30%) et des ASAT (24%),  et plus rarement une HTA (6%) ou une encéphalopathie (6%).
  • Vingt huit patients ont été traités par deux cycles au moins de traitement combiné. Les toxicités étaient moins importantes après le cycle 2 avec eulement 54% de toxicité grade 3-4 (15 des 28 patients traités par au moins deux cycles).
  • En terme d’efficacité le taux de contrôle de la maladie était de 92% selon les critères RECIST. Selon les critères EASL le taux de réponse était de 58% et le taux de contrôle de la maladie de 100%.

Commentaires

 

Cette étude est la première évaluant une biothérapie combinée de manière concomittante à la chimioembolisation. Elle montre que la combinaison est efficace et  assez bien tolérée. Depuis ont été présentés les résultats de l’essai SPACE à l’ASCO GI®, phase II randomisée qui comparait une chimioembolisation classique avec sorafenib à une chimioembolisation seule (4). Les résultats sont décevants ; l’objectif principal était le temps à progression qui serait favorable seulement suite à un artifice statistique.

 

Cette étude repose aussi la question de l’évaluation de l’efficacité des biothérapies pour lesquels les critères RECIST ne semblent pas être les critères de choix.

 

Par ailleurs la chimioembolisation par microsphère chargée n’a pas montré de supériorité par rapport à la  chimioembolisation classique et il apparaît donc regrettable qu’elle fût choisie comme bras contrôle.

 

Enfin s’il faut associer une biothérapie à la TACE, le sorafenib est-il le seul   anti-angiogénique possible ? L’essai SATURNE (Prodige 16), phase II/III comparant la TACE combinée au Sutent ou à un placebo apportera peut être des éléments de réponse.

 

Références

 

1.    Llovet JM, Ricci S, Mazzaferro V, Hilgard P, Gane E, Blanc JF, de Oliveira AC, Santoro A, Raoul JL, Forner A, Schwartz M, Porta C, Zeuzem S, Bolondi L, Greten TF, Galle PR, Seitz JF, Borbath I, Häussinger D, Giannaris T, Shan M, Moscovici M, Voliotis D, Bruix J; SHARP Investigators Study Group. Sorafenib in advanced hepatocellular carcinoma. N Engl J Med. 2008 Jul 24;359(4):378-90

 

2.    Lo CM, Ngan H, Tso WK, Liu CL, Lam CM, Poon RT, Fan ST, Wong J. Randomized controlled trial of transarterial lipiodol chemoembolization for unresectable hepatocellular carcinoma. Hepatology. 2002 May;35(5):1164-71

 

3.    Pawlik TM, Reyes DK, Cosgrove D, Kamel IR, Bhagat N, Geschwind JF. Phase II Trial of Sorafenib Combined With Concurrent Transarterial Chemoembolization With Drug-Eluting Beads for Hepatocellular Carcinoma. J Clin Oncol. 2011 Oct 20;29(30):3960-7.

 

4.    Lencioni R et al. ASCO GI® ; LBA154