Cancer du rectum : le Pet Scan ne s’impose pas encore en néoadjuvant !
La valeur pronostique du Pet Scan après RCT néoadjuvante des cancers du rectum pourrait être meilleure que celle de la réponse histologique et donc aider à une décision de CT adjuvante postopératoire. Cette donnée ici retrouvée n’est pas concordante avec celles d’autres études et mérite des informations complémentaires. À ce jour, le Pet Scan ne trouve donc pas d’indication dans cette situation.
La radiochimiothérapie (RCT) suivie d’une chirurgie est le traitement standard des cancers du bas et moyen rectum localement avancés. Plusieurs études suggèrent que l’obtention d’une réponse histologique complète après RCT (retrouvée dans 15 à 30% des cas) serait associée à un meilleur pronostic en termes de contrôle local, de survie sans récidive et de survie globale [1]. À ce jour, aucun marqueur prédictif de la réponse à la RCT néoadjuvante n’a pu être mis en évidence. De plus, la fiabilité des techniques d’imagerie habituelles (échoendoscopie, TDM et IRM) pour évaluer le stade tumoral et la réponse histologique après RCT n’est pas très bonne. Des travaux ont montré que le Pet Scan au 18 FDG pouvait permettre une évaluation précoce de la réponse à la RCT en cas de cancers de l’oesophage. Le but de l’étude que nous rapportons [2] était donc d’évaluer l’intérêt du Pet Scan pour prédire la réponse histologique complète après RCT néoadjuvante des cancers du rectum localement avancés.
Patients et méthodes
Cette étude prospective, unicentrique, italienne a porté sur tous les patients traités par RCT néoadjuvante (50,4 Gys + 5FU en continu ± oxaliplatine) puis chirurgie pour un cancer du rectum situé à moins de 12 cm de la marge anale T3-4N0/+ de juin 2003 à mai 2009.
Un Pet Scan avant RCT puis 6 à 7 semaines après la fin de ce traitement a été pratiqué chez tous les patients. L’activité métabolique de la tumeur a été évaluée par 2 médecins nucléaires en utilisant le SUVmax (maximum standardised uptake value) avant (SUV-1), et après (SUV-2) la RCT avec calcul du différentiel en % selon la formuleΔ-SUV= SUV-1 – (SUV-2/SUV-1 100).
La réponse tumorale à la RCT était évaluée sur pièce opératoire selon le grade de régression histologique de Dworak [TRG0 : aucune régression ; TRG1 : régression mineure avec fibrose occupant ≤ 25% de la tumeur ; TRG2 : régression importante avec fibrose occupant 26% à 50% de la tumeur ; TRG3 : très rares cellules tumorales avec fibrose majoritaire (≥ 50% de la tumeur) ; TRG4 : réponse histologique complète].
Résultats
- Au total, 80 patients ont été inclus et tous opérés 8 semaines après la fin de la RCT avec une résection R0 pour 72 (90 %) d’entre eux et une résection R1 pour 8 (10 %) autres.
- Une réponse histologique complète a été obtenue chez 16 patients (20 %), et 42 patients (52,5 %) étaient ypN0. Selon le grading de Dworak, 80% des patients ont présenté une régression tumorale histologique importante (TRG2 : 35 %, TRG3 : 25 % et TRG4 : 20 %). En comparaison du bilan d’imagerie initial, 53 patients (66,25 %) ont bénéficié d’un « downstaging » après RCT.
- Tous les patients présentaient une tumeur hyperfixante au Pet Scan initial, avec un SUV-1 médian à 14,4 (6,1-51). Après RCT, une diminution de la captation de l’isotope a été notée chez tous les patients, avec un SUV-2 médian à 4 (< 2-17), et un Δ-SUVmédiande75,4 % (10,5 %-100 %). Une réponse complète métabolique (SUV-2 < 2) a été enregistrée chez 24 patients (30 %).
- Une analyse ROC a été conduite afin de déterminer les seuils de SUV permettant une fiabilité diagnostique optimale prédictive de la réponse histologique complète (TRG 4) après RCT. Malheureusement, les 3 paramètres (SUV-1, SUV-2 et Δ-SUV) avaient une très bonne sensibilité (100 %, 87,5 % et 93,7 %) mais une mauvaise spécificité (10,9 %, 34,4% et 31,2 %) en raison d’un nombre important de faux positifs. En analyse multivariée, aucun paramètre n’était prédictif de la réponse TRG 4.
- Après un suivi médian de 44 mois, 13 patients ont présenté une récidive. Les patients avec SUV-2 ≤ 5 avaient une survie sans récidive significativement meilleure que ceux avec SUV-2 > 5 (p = 0,0003) alors que la réponse histologique selon le grading de Dworak n’avait pas d’impact pronostique.
- En analyse multivariée, seuls le SUV-2 (≤ ou > 5) et le pN (0 vs 1-2) étaient des facteurs pronostiques indépendants (p = 0,01 et p = 0,027 respectivement).
- Si 4 des 13 patients ayant présenté une récidive avaient un SUV- ≤ 2 5, aucun de ceux avec réponse métabolique complète (SUV-2 < 2) n’avait présenté de récidive, aux dernières nouvelles.
Commentaires
Cette étude, jouissant d’une méthodologie de qualité, montre que le Pet Scan n’est pas un examen fiable pour prédire la réponse histologique complète à la RCT néoadjuvante pour cancer du rectum. En revanche, elle suggère que la SUV après RCT serait corrélée à la survie sans récidive.
Ces derniers résultats nécessitent d’être confirmés car le recul reste limité, le nombre d’événements est assez faible (récidives : 13/80) et les données ne sont pas encore matures pour une analyse de la survie globale. Néanmoins, si la valeur pronostique de la réponse au Pet Scan se confirmait, elle pourrait constituer un élément de discussion supplémentaire pour indiquer une éventuelle chimiothérapie adjuvante (dont l’intérêt reste aujourd’hui débattu) chez les patients avec SUV > 5 après RCT.
Enfin, la discordance entre l’absence de valeur prédictive de la réponse histologique complète et la valeur pronostique sur la survie sans récidive du Pet Scan pose ici question compte tenu de la relation mise en évidence entre ces deux paramètres dans plusieurs autres études
Références
[1] Maas M, Nelemans PJ, Valentini V, et al. Long-term outcome in patients with a pathological complete response after chemoradiation for rectal cancer: a pooled analysis of individual patient data. Lancet Oncol 2010 Sep;11(9):835-44. Epub 2010 Aug 6.
[2] Martoni AA, Di Fabio F, Pinto C, et al. Prospective study on the FDG-PET/CT predictive and prognostic values in patients treated with neoadjuvant chemoradiation therapy and radical surgery for locally advanced rectal cancer. Ann Oncol. 2011 Mar;22(3):650-6.