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14 juin 2012
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Cancer du pancréas hyperalgique non opérable : quel est l’intérêt de la neurolyse coeliaque ?

L’étude de Wyse et al. que nous rapportons suggère que la neurolyse cœliaque est une procédure simple et sûre, associée à l’amélioration significative des phénomènes douloureux chez les malades atteints d’adénocarcinomes pancréatiques localement évolués non opérables, y compris en cas de traitement par radio-chimiothérapie. Le bénéfice est cependant modéré dans la mesure où il n’y avait pas d’impact de cette procédure sur la consommation d’antalgiques ni surtout, sur la qualité de vie. Il semble que le bénéfice soit équivalent pour les 2 techniques décrites (injection d’alcool en 1 ou 2 points au voisinage de l’émergence du tronc cœliaque).

 

 

Randomized, double-blind, controlled trial of early endoscopic ultrasound-guided celiac plexus neurolysis to prevent pain progression in patients with newly diagnosed, painful, inoperable pancreatic cancer.

Wyse JM, Carone M, Paquin SC, et al. J Clin Oncol 2011; 29: 3541-3546.

 

La neurolyse cœliaque est une technique aisément réalisable sous contrôle écho-endoscopique. Les ganglions semi-lunaires n’étant pas visualisables, elle consiste à injecter de l’alcool au voisinage de l’émergence du tronc cœliaque, en 1 ou 2 points, au moyen d’une aiguille introduite dans le canal opérateur d’un appareil linéaire. Cette technique s’adresse potentiellement aux patients algiques atteints d’un adénocarcinome pancréatique non opérable.

Elle est cependant peu réalisée en pratique compte tenu des alternatives possibles (enrichissement récent de la pharmacopée des antalgiques), de possibles effets secondaires indésirables et d’une durée d’action parfois limitée. L’essai prospectif randomisé monocentrique mené au Centre Hospitalier de l’Université de Montréal avait pour objectif d’évaluer l’intérêt de la neurolyse cœliaque chez des patients algiques atteints d’adénocarcinomes pancréatiques localement avancés, non opérables et non pré-traités (1).

 

Les 98 patients jugés éligibles à l’issue de l’évaluation écho-endoscopique ont été randomisés : neurolyse cœliaque (n=48); absence de neurolyse (groupe témoin ; n=48).

Pour les patients du premier groupe, la procédure était réalisée dans le même temps anesthésique avec injection en 2 points, de part et d’autre de l’émergence du tronc cœliaque, d’un mélange de bupivacaïne et d’alcool absolu. L’évaluation de l’activité de la neurolyse  était basée sur le pourcentage de réduction du score de douleur évalué au moyen de l’échelle numérique de Likert gradée de 0 à 6 et sur l’impact sur la consommation d’antalgiques (morphiniques ou équivalents morphiniques). Elle était réalisée 1 et 3 mois après la randomisation à l’occasion d’entretiens téléphoniques réalisés par la personne ayant procédé à l’évaluation initiale et ignorant le bras de randomisation. La qualité de vie était également évaluée au moyen du score DDQ-15 à l’occasion de ces entretiens.

 

Les résultats sont rapportés dans le tableau 1.

 

Tableau 1 : Efficacité de la neurolyse cœliaque

 

 

Groupe   « neurolyse »

(n=48)

Groupe témoin

(n=48)

Score de douleur*▪ à 1 mois▪ à 3 mois  ▪ -18 (IC95% :   -37 ;0)▪ -49 (IC95% :   -61 ; -38)  ▪+ 11 (IC95% :   -13 ; +49)▪+12 (IC95% :   -19 ; +36)
Score de consommation d’antalgique**▪ à 1 mois▪ à 3 mois   ▪ + 53 (IC95% :   +28 ; +89)▪ +50 (IC95% :   +28 ; +79)   ▪ + 54 (IC95% :   +20 ; +96)▪+100 (IC95% :   +49 ; +180)

*Score de douleur évalué sur l’échelle numérique de Likert gradée de 0 à 6. Les valeurs indiquées dans ce tableau correspondent au pourcentage moyen de variation du score de douleur pour chacun des 2 groupes par rapport au score initial, 1 et 3 mois après la randomisation. La différence entre les 2 groupes pour ce paramètre est de -28,9 (IC95% : -67 ; 2,8) à 1 mois (p=0,09) et de -60,7 (IC95% : -86,6,0-25,5) à 3 mois (p=0,01). **Score de consommation d’antalgiques (morphinique ou équivalent morphiniques). Les valeurs indiquées dans ce tableau correspondent à la moyenne de la variation du score de consommation d’antalgiques pour chacun des 2 groupes par rapport au score initial, 1 et 3 mois après la randomisation. Il n’existe pas de différence entre les 2 groupes pour ce paramètre à 1 mois (-1,0 ;  IC95% : -47,7 ; 49,2 ; p=0,99) et à 3 mois (-49,5 ;  IC95% : -127,5 ; 7 ; p=0,10).

 

En résumé

 

  • La réduction du score de douleur était plus importante à 1 et 3 mois chez les malades traités par neurolyse cœliaque, la différence entre les deux groupes n’étant significative qu’à 3 mois.
  • La consommation d’antalgiques augmentait dans les 2 groupes 1 mois après la randomisation. Elle était stabilisée à 3 mois pour les malades traités par neurolyse cœliaque alors qu’elle continuait d’augmenter chez les malades du groupe témoin.
  • Il n’y avait cependant pas de différence statistiquement significative entre les patients des 2 groupes pour l’évolution de la consommation d’antalgiques à 1 et 3 mois.
  • Il n’y avait pas non plus d’impact de la neurolyse cœliaque sur la qualité de vie à 1 et à 3 mois. L’efficacité antalgique de la neurolyse cœliaque était conservée chez les malades traités par radio-chimiothérapie (réduction significativement plus marquée du score de douleur à 3 mois, sans impact sur la consommation d’antalgique).
  • Aucune complication aigüe ou tardive de la neurolyse n’était rapportée.

 

Au total, cette étude suggère que la neurolyse cœliaque est une procédure simple et sûre, associée à amélioration significative des phénomènes douloureux chez les malades atteints d’adénocarcinomes pancréatiques localement évolués non opérables, y compris en cas de traitement par radio-chimiothérapie.

 

Le bénéfice est cependant modéré dans la mesure où il n’a pas d’impact sur la consommation d’antalgiques ni surtout, sur la qualité de vie. Un bénéfice de la neurolyse cœliaque a également été rapporté dans l’étude de LeBlanc et al. récemment publiée qui avait pour objectif principal de comparer l’efficacité des 2 techniques décrites (2). Dans ce travail, il n’y avait pas de différence entre les malades traités par une injection unique et ceux traités par deux injections au cours de la même procédure pour les différents paramètres testés (efficacité antalgique, délai d’obtention et durée du soulagement). Il n’y avait pas de corrélation entre le délai d’obtention du soulagement des symptômes et la durée du bénéfice symptomatique.

 

Références

 

1 – Wyse JM, Carone M, Paquin SC, et al. Randomized, double-blind, controlled trial of early endoscopic ultrasound-guided celiac plexus neurolysis to prevent pain progression in patients with newly diagnosed, painful, inoperable pancreatic cancer. J Clin Oncol 2011; 29: 3541-3546.

 

2 – LeBlanc JK, Al-Haddad M, McHenry L, et al. A prospective, randomized study of EUS-guided celiac plexus neurolysis for pancreatic cancer: one injection or two? Gastrointestinal Endoscopy 2011. 74: 1300-1307.