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14 juin 2012
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Carcinome hépatocellulaire : le sorafenib en entretien après chimioembolisation ?

Après réalisation d’une TACE pour CHC, comparativement au placebo , le sorafenib ne semble apporter aucun bénéfice notamment en terme de survie  et est à l’origine d’effets secondaires sévères fréquents.

 

Phase III study of sorafenib after transarterial chemoembolisation in Japanese and Korean patients with unresectable hepatocellular carcinoma.
Kudo M, Imanaka K, Chida N, Nakachi K, Tak WY, Takayama T, Yoon JH, Hori T, Kumada H, Hayashi N, Kaneko S, Tsubouchi H, Suh DJ, Furuse J, Okusaka T, Tanaka K, Matsui O, Wada M, Yamaguchi I, Ohya T, Meinhardt G, Okita K Eur J Cancer. 2011;47(14):2117-27.

 

Le carcinome hépatocellulaire (CHC) est la cinquième cause de cancer dans le monde et les trois quart des décès surviennent dans les pays d’Asie. Lors du diagnostic, la plupart des patients présente  une maladie avancée et ne peut bénéficier d’un traitement curatif. Le traitement locorégionnal le plus fréquemment pratiqué dans les formes non résécables est la chimioembolisation trans-artérielle (TACE) qui améliore la survie de ces patients par rapport au traitement symptomatique (1,2). Le taux élevé de rechute après TACE pourrait être du à une stimulation de l’angiogénèse par augmentaion de l’expression du VEGF circulant. Après la procédure, un traitement par une thérapie anti-angiogénique pourrait diminuer les rechutes et améliorer la survie.

 

Le sorafenib (Nexavar®) est une biothérapie anti-angiogénique qui a démontré notamment lors l’étude SHARP, une amélioration de la survie globale chez les patients traités par rapport au bras placebo (3). L’hypothèse que le  sorafenib après TACE pourrait prolonger le temps à progression et minimiser l’insuffisance hépatocellulaire induite par les TACE itératives, pouvait légitimement être avancée.

 

L’étude ici rapportée, correspond à un essai prospectif de phase III randomisé en double aveugle qui compare la TACE à la TACE suivie de sorafenib (4).

 

Patients et méthodes

 

  • Les patients éligibles présentaient un CHC non résécable, « child A » chez lesquels une réponse après une ou deux TACE définie comme une nécrose tumorale de plus de 25% avait été notée. Ils étaient en bon état général (OMS 0 ou 1) et avaient moins de 10 lésions de moins de 70 mm. Etaient exclus : les patients avec maladie extrahépatique, l’existence d’une thrombose porte, ou un traitement systémique antérieur pour le CHC.
  • La chimioembolisation était lipiodolée dans tous les cas, et le cytotoxique utilisé pouvait être de l’épirubicine, de la doxorubicine, du cisplatine ou de la mytomicine.
  • Les patients étaient stratifiés selon la réponse à la TACE (complète versus partielle), l’OMS (0 versus 1), le nombre de TACE (1 versus 2).
  • Le délai médian entre la randomisation et la dernière TACE était de 9,3 semaines.
  • Les patients étaient randomisés 1 :1 pour recevoir soit du sorafenib à la dose de 800 mg par jour, soit un placebo jusqu’à progression, récurrence ou toxicité inacceptable. L’évaluation radiologique par scanner était réalisée toute les 8 semaines. L’objectif principal était le temps à progression, l’objectif secondaire, la survie globale.
  • Sur le plan statistique il était prévu d’inclure 372 patients (186 par bras) pour observer 318 progressions. En tenant compte des 10% de perdus de vue, l’effectif attendu était de 414 patients.

 

 

Résultats

 

L’étude a inclu 458 patients, entre avril 2006 et juillet 2009 soit 229 patients dans chaque bras. Les caractéristiques démographiques et tumorales des patients étaient similaires dans les deux bras de traitement : 74,7% d’hommes, de plus de 65 ans dans 66,8% des cas, OMS 0 dans 88% des cas, avec moins de trois lésions dans 73,4% des cas. A la date de point, 324 progressions ont été observées (137 dans le bras sorafenib et 187 dans le bras placebo).

  • Le temps à progression après relecture centralisée était de 5,4 mois (95% IC, [3,8-7,2] mois) dans le bras sorafenib et de 3,7 mois (95% IC, [3,5-4] mois) dans le bras placebo (HR 0,87 ; 95% IC, [0,7-1,09] ; p = 0,252).
  • La médiane de survie globale était de 29,7 mois (95% IC, [28,6-.] mois) dans le bras sorafenib et non atteinte dans le groupe placebo (HR 1,06 ; 95% IC, [0,69-1,64] ; p = 0,790).
  • Le taux de survie à 1 an était de 94,6% dans le bras sorafenib et de 94,1% dans le bras placebo et respectivement de 72,1% et 73,8% à 2 ans.
  • Des analyses exploratoires de sous groupes ont été réalisées. Il apparait un bénéfice en terme de temps à progression dans la sous population des 71 patients Coréens (HR 0,38 ; 95% IC, [0,18-0,81])
  • En terme de tolérance, 107 patients ont interrompu le traitement pour effets indésirables (94 dans le bras sorafenib et 13 dans le groupe placebo). Les effets indésirables conduisant à l’arrêt du traitement les plus fréquents étaient : le syndrome main-pied (11,4%), la thrombopénie (4,4%), l’HTA (3,9%), l’hypophosphatémie (3,9%) et la neutropénie (3,5%).

 

Commentaires

 

Dans cette étude négative, les effets secondaires étaient plus fréquents que dans les études précédentes, en particulier dans l’étude SHARP avec une dose moyenne par jour de 386 mg contre 797 mg dans cette dernière. Par ailleurs l’effet anti-angiogénique attendu du sorafenib en post-TACE en raison d’un taux élevé de VEGF circulant a pu être gommé par un délai trop important entre la randomisation et la dernière TACE. Les auteurs suggèrent de débuter le traitement immédiatement après le geste, voir avant.

 

Néanmoins les résultats décevant de l’essai SPACE présentés à l’ASCO GI®, phase II randomisée qui comparait une chimioembolisation classique avec ou sans sorafenib , suggère que cette association est peu prometteuse (5).

 

 

Références

 

1. Lo CM, Ngan H, Tso WK, Liu CL, Lam CM, Poon RT, Fan ST, Wong J. Randomized controlled trial of transarterial lipiodol chemoembolization for unresectable hepatocellular carcinoma. Hepatology. 2002 May;35(5):1164-71

 

2. Llovet JM, Real MI, Montaña X, Planas R, Coll S, Aponte J, Ayuso C, Sala M, Muchart J, Solà R, Rodés J, Bruix J; Barcelona Liver Cancer Group. Arterial embolisation or chemoembolisation versus symptomatic treatment in patients with unresectable hepatocellular carcinoma: a randomised controlled trial. Lancet. 2002 May 18;359(9319):1734-9

 

3. Llovet JM, Ricci S, Mazzaferro V, Hilgard P, Gane E, Blanc JF, de Oliveira AC, Santoro A, Raoul JL, Forner A, Schwartz M, Porta C, Zeuzem S, Bolondi L, Greten TF, Galle PR, Seitz JF, Borbath I, Häussinger D, Giannaris T, Shan M, Moscovici M, Voliotis D, Bruix J; SHARP Investigators Study Group. Sorafenib in advanced hepatocellular carcinoma. N Engl J Med. 2008 Jul 24;359(4):378-90

 

4. Kudo M, Imanaka K, Chida N, Nakachi K, Tak WY, Takayama T, Yoon JH, Hori T, Kumada H, Hayashi N, Kaneko S, Tsubouchi H, Suh DJ, Furuse J, Okusaka T, Tanaka K, Matsui O, Wada M, Yamaguchi I, Ohya T, Meinhardt G, Okita K. Phase III study of sorafenib after transarterial chemoembolisation in Japanese and Korean patients with unresectable hepatocellular carcinoma. Eur J Cancer. 2011;47(14):2117-27.

 

5. Lencioni R et al. ASCO GI ; LBA154