L’arrêt du bevacizumab entraîne-t-il une accélération de la croissance tumorale en phase métastatique ?
En situation métastatique, l’arrêt précoce du bevacizumab ne semble pas induire d’accélération particulière de la progression tumorale ou du décès.
Cette question a été soulevée par différentes études précliniques qui avaient suggéré une accélération de la croissance tumorale aussi bien sur le plan local que métastatique, après interruption du traitement par divers agents antiangiogéniques. Certaines données recueillies en situation adjuvante avec le bevacizumab (étude NSABP C08) pouvaient également prêter à une telle interprétation. Cependant, en situation métastatique, cette hypothèse n’avait jamais été vérifiée.
Pour répondre à la question d’une éventuelle association entre l’arrêt du bevacizumab et l’accélération de la croissance tumorale ou l’augmentation de mortalité, en phase métastatique, David Mills et coll. ont procédé à une analyse rétrospective de 5 études de phase III randomisées contre placebo réunissant 4 205 patients traités pour néoplasme mammaire, colorectal, rénal ou pancréatique. Ce travail a fait l’objet d’une publication dans le Journal of Clinical Oncology en décembre 2010 [1].
Méthode et patients
Le temps séparant l’arrêt du traitement antiangiogénique et la progression tumorale ou le décès fut analysé chez les patients de ces 5 études pour lesquels un arrêt du bevacizumab ou du placebo fut opéré à l’occasion d’un effet indésirable grave.
Par ailleurs, le taux de mortalité à 30, 60, 90, 120, 150, 180 et 210 jours après arrêt du bevacizumab ou du placebo fut analysé chez deux groupes de patients :
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interruption du bevacizumab ou du placebo pour effets indésirables graves ;
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interruption du bevacizumab ou du placebo quelle qu’en soit la cause. Dans ces deux mêmes groupes, la durée séparant l’arrêt du traitement du décès fut également précisée. Les données concernant le type de progression tumorale à l’arrêt du traitement, disponibles dans 4 études, furent enfin analysées.
Résultats :
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Il apparaît que le temps moyen séparant l’arrêt du traitement pour effets indésirables graves à la progression tumorale ou au décès est augmenté de manière non significative chez les malades qui recevaient du bevacizumab : 4 versus 3 mois (Hazard ratio : 0,93 ; IC 95 % : 0,79-1,10).
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Le taux de mortalité à 30, 60, 90, 120, 150, 180 et 210 jours après arrêt du traitement apparaît similaire chez les malades traités par bevacizumab ou placebo.
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D’autre part, le type de progression est apparu similaire chez les malades traités par bevacizumab ou placebo.
Commentaires
Cette analyse rétrospective de 5 études cliniques contrôlées ne permet pas de corroborer l’hypothèse d’un accroissement de la croissance tumorale, ni de l’incidence de la progression ou du décès chez les malades traités par bevacizumab en phase métastatique et pour lesquels ce traitement a dû être interrompu.
Par ailleurs, l’évolution similaire chez les malades pour lesquels le bevacizumab a été interrompu précocement et chez les malades n’en ayant pas reçu, constitue un argument indirect pour une poursuite prolongée du bevacizumab puisque son arrêt précoce semble gommer le bénéfice qu’il procure habituellement dans ces populations.
Référence
[1] Milles G, Harbeck N, Esculier B, et al. Disease Course Patterns After Discontinuation of Bevacizumab: Pooled Analysis of Randomized Phase III Trials. J Clin Oncol 2010;28.