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2 mai 2011
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Cancer gastrique sécrétant de l’alphafoetoprotéine : une entité clinique particulière

 Les adénocarcinomes « hépatoïdes » représentent moins de 3 % de l’ensemble des adénocarcinomes gastriques. S’accompagnant inconstamment d’une élévation de l’AFP sérique, ils présentent plus d’emboles vasculaires et d’envahissements ganglionnaires sur pièce que les adénocarcinomes gastriques « classiques » et, plus souvent, une diffusion hépatique lors du diagnostic. Leur pronostic est plus défavorable avec une survie significativement plus courte.

L’alphafoetoprotéine (AFP) est un marqueur tumoral utilisé pour le diagnostic et le suivi du carcinome hépatocellulaire. Plus rarement, une sécrétion de ce marqueur peut être associée à des tumeurs de type adénocarcinomateux, le plus souvent de localisation gastrique. Ces tumeurs, appelées « adénocarcinomes hépatoïdes », sont caractérisées par la présence d’un contingent avec une différenciation hépatocytaire au sein de la prolifération adénocarcinomateuse primitive et, inconstamment, par une élévation de l’AFP sérique. Les caractéristiques et le profil évolutif de ces tumeurs gastriques « hépatoïdes » étaient, à ce jour, mal connus. Les auteurs chinois (Université de Fudan, Shanghai) d’une étude monocentrique ont partiellement comblé cette lacune à partir de l’analyse rétrospective de 104 tumeurs hépatoïdes gastriques qui ont été comparées à 208 adénocarcinomes gastriques classiques.

Résultats

Entre 1996 et 2007, 4 426 cancers gastriques ont été reséqués au centre hospitalo-universitaire de Fundan. Cent quatre (104) tumeurs, soit 2,3 %, présentaient un contingent hépatocytaire avec un immunomarquage positif pour l’AFP et un taux sérique de ce marqueur élevé, sans hépatopathie chronique associée.

  • La médiane du taux préopératoire d’AFP était de 41 microgr/L (10-3000). L’étude de la cinétique des taux d’AFP pré et postopératoire réalisée chez 40 patients montrait classiquement une normalisation du taux d’AFP après chirurgie R0, et sa ré-ascension en cas d’évolution métastatique.
  • La comparaison avec la série appariée de 208 adénocarcinomes gastriques classiques montrait sur le plan histologique que les tumeurs « hépatoïdes » présentaient plus souvent des emboles vasculaires (63 % vs 49 % ; p = 0,020) et des métastases ganglionnaires (81 % vs 70 % ; p=0,028).
  Taux de survie 1 an (%) Taux de survie 3 ans (%) Taux de survie 5 ans (%)
Tumeur AFP+ 53 35 28
Tumeur AFP- 95 57 38

Ces critères d’agressivité histologique se traduisaient par une incidence plus élevée de métastases hépatiques lors du diagnostic dans le groupe des tumeurs « hépatoïdes » (60,6 % vs 11,5 % ;p < 0,01). Deux facteurs indépendants étaient associés à la présence de métastases hépatiques synchrones : un taux d’AFP ≥ 100 microgr/L et la présence d’emboles vasculaires.

  • En cas d’évolution métastatique secondaire, le délai d’apparition était significativement plus court dans le groupe des tumeurs « hépatoïdes » (7,4 ± 5,7 mois vs 20,6 ± 10,9 mois ; p < 0,01).
  • Les données de survie à 1, 3 et 5 ans rapportées dans le tableau montrent des taux significativement inférieurs pour le groupe des tumeurs « hépatoïdes » (p < 0,01).

Commentaires

Cette étude montre que les adénocarcinomes gastriques exprimant l’AFP représentent des tumeurs plus agressives que les adénocarcinomes classiques, comme cela avait déjà été rapporté précédemment [1,2]. Une hypothèse présentée par les auteurs pour expliquer le comportement plus agressif de ces tumeurs est une hyperexpression du récepteur de l’hepatocyt growth factor (c-Met), induisant une hyperstimulation de la prolifération et de la migration des cellules tumorales.

Références

[1] Chang YC, Nagasue N, Kohmo H, et al. Clinocopathologic features and long term results of alpha-fetoprotein-producing gastric cancer. Am J Gastroenterol 1990;85:1480-5.

[2] Adachi Y, Tsuchihashi J, Shiraishi N, et al. AFP-producing gastric carcinoma: multivariate analysis of prognostic factors in 270 patients. Oncology 2003;65:95-101.